Par qui et comment (...)

Par qui et comment contrôler les contrôleurs ?

Même si elle n’est pas définitive mais frappée d’appel, même si elle ne devait pas être accomplie derrière les barreaux mais "aménagée", la peine de prison ferme infligée à Nicolas Sarkozy par le Tribunal correctionnel de Paris résonne comme un coup de tonnerre dans le ciel politique, en écho avec les trois ans dont un ferme déjà prononcés en mars dernier à son encontre pour corruption et trafic d’influence dans l’affaire dite des "écoutes".
Un pays qui, tout à la fois, condamne un ancien chef de l’état et impose le pass sanitaire pour limiter la propagation de la pandémie de la Covid ne peut, à l’évidence, n’être qu’une dictature...
Plus sérieusement, une nouvelle frontière symbolique vient d’être franchie par la Justice. Le cordon avec le pouvoir est vraiment coupé. C’est rassurant, mais surtout normal dans une démocratie.
Se pose néanmoins la question de savoir qui contrôle le contrôleur. Et si nous ne versons pas dans une République des juges, qui pourrait à la fois être tyrannique au nom du droit et invalidante pour l’action politique.
On a bien vu la gêne généralisée lorsqu’Agnès Buzyn, ancienne ministre de la Santé qui démissionna au début de la crise de la Covid, a été traduite devant la Cour de Justice de la République, seule compétente pour juger les gouvernants ou anciens gouvernants. Même sentiment de malaise avec les perquisitions effectuées aux domiciles ou dans les bureaux de ministres (Edouard Philippe, Olivier Véran, Eric Dupond-Moretti). Comment faire le subtil distinguo entre la "responsabilité pénale" s’il y a faute et la "responsabilité politique" qui oblige les ministres à prendre des décisions "quoi qu’il en coûte" ?

Ne risque t-on pas l’inaction par la peur du juge ? Pour la crise de la Covid, la CJR a reçu 15 000 plaintes dirigées contre l’ancien Premier ministre édouard Philippe et envers les deux ministres de la Santé... Une déferlante, qui n’est peut-être pas encore apaisée dans un monde aussi judiciarisé.

François Molins, procureur général près la Cour de cassation, a rappelé que la CJR a été créée pour "poursuivre des infractions reprochées à des ministres dans l’exercice de leur fonction, même si c’était dans le cadre d’une action politique". Mais pas pour juger du bien fondé et de l’efficience d’une politique qui ne relève que des représentants de la volonté populaire désignés par les urnes.
Dans le cas de Nicolas Sarkozy, le tribunal a tranché même si "les Français ne sont pas dupes" : il y a eu dépassement délibéré des comptes de la campagne 2012 et le montant même de ce dépassement (20 millions !) ne pouvait être ignoré du président candidat à sa réélection.
Une faute a donc été sanctionnée, à chacun d’apprécier si cela est juste, trop ou trop peu.
Ces récentes condamnations ouvrent le débat sur une réforme, inévitable, de la CJR et sur la légitimité de cette justice... d’exception.

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