Patrick Moulard : 2024 « sera une année de récession »
- Par Sébastien Guiné --
- le 2 février 2024
Le président de la Fédération du bâtiment et des travaux publics des Alpes-Maritimes (FBTP 06) n’avait pas de bonnes nouvelles à annoncer lors de la cérémonie des vœux de sa fédération.
Avec une pointe de fatalisme palpable, logique après n’avoir cessé d’alerter sur la catastrophe à venir, depuis longtemps, comme beaucoup d’autres acteurs locaux de l’acte de bâtir, Patrick Moulard a assuré que 2024 serait « une année de récession » dans le secteur de la construction. « D’après les chiffres de l’Urssaf en novembre (2023), nous étions déjà à -0,1% dans l’emploi, donc on est réellement en récession. S’il y a récession, cela veut dire que des entreprises et des salariés vont être en difficulté », a-t-il ajouté en conférence de presse, juste avant de prendre la parole devant les membres de la FBTP06 et devant les élus.
Selon une enquête de la FBTP 06 en janvier, « 60 % des entreprises ressentent un ralentissement d’activité pour 2024 et 70 % répondent avoir un carnet de commandes inférieur à six mois. Cela commence à s’assombrir », a complété M. Moulard, qui estime que 1 500 à 2 000 emplois pourraient disparaître sur le seul créneau du logement neuf, en chute libre (-27% de mises en vente sur un an au 3e trimestre 2023, selon l’OIH de la CCI Nice Côte d’Azur. La situation est déjà très difficile pour de nombreuses TPE et PME (hausse constatée de 30 % du nombre de défaillances d’entreprises sur un an), surtout pour celles qui dépendent quasi exclusivement de promoteurs immobiliers, eux-mêmes en grande difficulté a expliqué Pierre Mario, vice-président de la FBTP 06 chargé des Travaux publics et routiers.
« Dans le dur »
« Sans doute que l’une des clés pour amortir la crise est d’avoir une diversité de clients, un peu comme dans tous les métiers, et de ne pas être exposé à seulement un ou deux clients. Quand vous avez eu pendant 10 ans, de façon ininterrompue, un volume d’activité avec un client et que cela s’arrête, malheureusement c’est là où ça devient compliqué », a exposé Pierre Mario. Il y a un an, Patrick Moulard, qui demande de longue date d’agir sur la fiscalité, avait déjà craint le pire mais le secteur a finalement tenu bon en 2023, qualifiée « d’année de combat gagné ». Le président de la FBTP locale explique que certains projets ont « dérapé dans les plannings ». « On devait livrer un certain nombre de choses en 2023 et on ne les a pas livrées. Ce n’est jamais écrit dans le marbre. C’est une des réponses mais ce n’est pas la seule. On était très inquiet par le fait que nos promoteurs ont réellement posé le crayon. Et il y a aussi eu une inertie. Mais il ne faut plus compter dessus maintenant, nous allons réellement être dans le dur. Tout le monde ne fait pas que du logement neuf, bien heureusement, mais cela peut peser entre 20 et 25 % de l’activité dans un territoire comme le nôtre. L’année dernière, nous avions essayé de faire adhérer des entreprises à des filières alternatives mais ce n’est pas évident. Il faut un accompagnement au changement ».
Un changement qui doit devenir un atout pour Patrick Moulard, arguant du fait que le BTP dispose d’une expertise incontournable dans la nécessaire transition énergétique.
Une cellule de crise en place dès 2023
La FBTP 06 n’a pas attendu la récession qui vient pour réagir. Une cellule de crise a été mise en place dès la rentrée 2023 avec « l’ensemble des parties prenantes » (l’Urssaf, la DGFiP, la Banque de France, Pro BTP, la Caisse de congés payés du bâtiment, les deux chambres consulaires et des associations d’aide aux dirigeants, comme l’association Entre Head), a indiqué Patrick Moulard. Cette cellule « commence à prendre le pouls du besoin des entreprises et nous avons quelques signalements spontanés de chefs d’entreprise. Nous sommes complètement neutres, nous n’avons pas vocation à nous immiscer dans les dossiers, a assuré le président de la FBTP 06. Cela a permis d’apporter des réponses à certains chef d’entreprise qui étaient au bout du rouleau. C’est réellement notre rôle. Au-delà des entreprises adhérentes, nous ouvrons vraiment à tout le monde. On se devait de faire quelque chose, d’anticiper avant d’être dans la difficulté parce que c’est difficile de faire accepter la difficulté aux chefs d’entreprise ». Pierre Mario a relevé l’importance de pouvoir aider les entrepreneurs qui auraient « de l’argent bloqué ». « C’est le cas souvent des entreprises de travaux publics, l’argent est bloqué chez le trésorier payeur général. On ne veut surtout pas que des entreprises se retrouvent dans des situations difficiles alors que ce ne serait qu’un problème de trésorerie qui pourrait être résolu rapidement ».