Plan de relance Juncker

Plan de relance Juncker : la magie de l’effet de levier !

  • le 9 décembre 2014

Le nouveau président de la Commission européenne a annoncé, le 26 novembre, un plan de relance de l’investissement au sein de l’UE, estimé à 315 milliards d’euros. Ce plan n’entrera hélas en vigueur que fin 2015 et reste bien trop optimiste dans ses hypothèses.

Le « Plan d’investissement pour l’Europe » de Jean-Claude Juncker se veut une réponse à l’impressionnante chute des investissements dans l’Union européenne depuis 2007(-17 %). Il s’agit aussi de créer 1,3 million d’emplois supplémentaires sur trois ans et d’augmenter la croissance. Mais même si l’initiative est honorable, le dispositif élaboré est complexe et repose sur des hypothèses bien trop optimistes.

Un plan sur 3 piliers

Tout d’abord, le plan préconise une amélioration de l’environnement des affaires au travers notamment d’un assouplissement des réglementations. Le deuxième pilier, qui est le cœur-même du plan, consiste en la création d’un « Fonds européen pour l’investissement stratégique », placé sous le contrôle de la Commission européenne et rattaché à la Banque européenne d’investissement (BEI).

Cette nouvelle structure sera dotée de 21 milliards d’euros de fonds propres : 16 milliards en provenance du budget européen – mais qui ne seront qu’une réallocation de fonds structurels existants – et 5 milliards de la BEI. Notons tout de suite que les États ne seront pas obligés de contribuer directement à ce fonds, même si l’Allemagne laisse entendre qu’elle pourrait y intégrer les 10 milliards d’euros d’investissements supplémentaires qu’elle s’est engagée à mettre en œuvre entre 2016 et 2018.

Ces 21 milliards d’euros serviront alors de garantie à la BEI pour lever 63 milliards d’euros sur trois ans, dans le but de financer la partie la plus risquée des investissements. Puis, les investisseurs privés compléteraient le plan d’investissement en apportant 252 milliards d’euros, afin d’aboutir aux 315 milliards d’euros prévus. Bref, les fonds public serviront à lancer des projets que des fonds privés compléteront pour la majeure partie, ce qui constitue le troisième pilier du plan.

Des hypothèses irréalistes

Avec 5 milliards d’euros de cash de la BEI et 16 milliards d’euros de réallocation du budget européen, ce plan espère donc lever 315 milliards d’euros, c’est-à-dire 15 fois plus (levier de 15) ! C’est bien trop optimiste, puisque lever 63 milliards d’euros sur la base de 21 milliards de fonds propres (levier de 3) ne sera déjà pas une mince affaire pour la BEI.

Puis, attirer les investisseurs privés pour arriver de 63 milliards d’euros à 315 milliards d’euros – c’est-à-dire avec un nouveau levier de 5 – relève clairement de l’illusion. Un effet de levier de 2 ou 3 serait bien plus réaliste, mais ne permettrait donc de lever que de 130 à 190 milliards d’euros sur trois ans… Les États membres devraient alors participer directement à la mise de fonds initiale pour espérer atteindre l’objectif affiché. Hélas, ils sont déjà très endettés et contraints dans leurs finances publiques par les traités qui les obligent à réduire leur déficit public, d’où la quadrature du cercle.

Déjà 800 projets…

Les fonds levés doivent permettre de financer des projets de long terme dans les infrastructures (énergie, télécoms, transport, éducation, etc.), à hauteur de 240 milliards d’euros, et à améliorer le financement des PME pour 75 milliards d’euros. D’après les premiers chiffres fournis par la Commission européenne, 800 projets d’investissements pesant 700 milliards d’euros auraient été soumis par les différents pays membres de l’UE. Il est donc prévu de constituer un groupe d’experts indépendants, qui choisira les projets les plus pertinents, suivants des critères économiques, sociaux et environnementaux, aucun quota n’étant attribué aux États.

Un coup d’épée dans l’eau

En définitive, les ressources initiales étant faibles, l’ensemble du plan repose sur la magie de l’effet de levier, qui transforme dès lors ce plan en véritable mécano d’ingénierie financière.
Or, même si les 315 milliards d’euros devaient être atteints, ce ne serait toujours qu’une impulsion très faible au regard du PIB de l’Union européenne. De plus, il y aura très certainement des effets d’aubaine en ce sens qu’une partie des fonds servira à financer des projets déjà lancés, réduisant d’autant l’effet d’entraînement qui souffrira aussi certainement des lourdeurs bureaucratiques propres à l’UE. Au surplus, l’effet attendu de ce plan ne se fera sentir au mieux qu’en 2016...un horizon bien lointain pour une Europe en proie au marasme économique.

Pour réussir, ce plan aurait donc dû être mieux doté en fonds propres publics et mis en œuvre il y a au moins cinq ans déjà, c’est-à-dire bien avant que l’austérité généralisée ne casse quasiment tous les ressorts de la croissance.

Par Raphaël DIDIER

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