Plan de relance : le (...)

Plan de relance : le regard expert des invités de l’UPE 06

Ce devait être un moment festif et studieux. Mais la crise sanitaire a eu raison de l’événement de rentrée des patrons des Alpes-Maritimes. Au dernier moment, dans la matinée du 10 septembre, le président de l’UPE 06 s’en est remis au principe de précaution. Après un entretien avec le préfet sur la progression en cours de l’épidémie de Covid-19, Philippe Renaudi s’est résolu à annuler la grande soirée des adhérents que son organisation avait prévu ce jour-là à Cagnes-sur-Mer.

300 invités y étaient annoncés. Et parmi eux, un économiste de renom, Christian Saint-Etienne, mais aussi le président délégué du Medef, Patrick Martin. Les deux hommes n’ont pas repris l’avion dès la mauvaise nouvelle connue. Ils sont au contraire restés aux côtés du patron des patrons azuréens pour exprimer leur vision du plan de relance présenté une semaine plus tôt par le gouvernement.

La gestion de la crise : une valse en deux temps

"L’économie française s’est désindustrialisée massivement depuis une dizaine d’années", rappelle en préambule Christian Saint-Etienne, qui aurait dû être le conférencier de la soirée. "Elle est entrée dans cette crise très affaiblie". Et d’évoquer notamment le déséquilibre des finances publiques, "un déficit de 3% par an" ou encore "un record du monde de dépenses de protection sociale" qui, bien que représentant 33% du PIB, n’a pas empêché le pays de manquer de masques et de lits de réanimation.
Mais une fois dans le dur, "le gouvernement s’est pas mal débrouillé". Selon l’économiste, "il a pris de très bonnes mesures", comme le chômage partiel, "qui a évité l’effondrement du système en mai, juin et juillet", et les PGE (prêts garantis par l’État), qui ont permis aux banques d’allouer 120 milliards.

Le plan de relance constitue "le deuxième temps de la valse", sur lequel "le gouvernement communique très mal, puisqu’il n’arrive pas à remettre en perspective ce qu’il fait". Il s’articule en trois grands segments, à peu près égaux : les compétences, la croissance verte et la compétitivité. "La principale critique qui est faite à ce plan, c’est qu’il cible surtout l’offre plutôt que la demande, or je pense que c’est ce qu’il fallait faire", même si les bénéfices d’une telle stratégie ne seront pas visibles avant 2021-2022. "Il n’y a pas de problème de demande", estime d’ailleurs Christian Saint-Etienne, qui rappelle que les Français ont épargné près de 90 milliards d’euros pendant le confinement. "Nous avons plutôt un problème de confiance et de redémarrage de l’économie".

Un effort insuffisant sur les fonds propres

Pour lui, le plan de relance ne peut souffrir que d’un grief : "Il n’en fait pas assez sur la restructuration de l’économie. Sur ses 100 milliards, il n’y a que 3 milliards pour les fonds propres. Avec d’autres économistes, nous pensons qu’il en faudrait 60". L’enveloppe est en effet jugée insuffisante "pour restructurer 15 à 20% de l’économie française et basculer un million de personnes des activités qui vont fermer vers celles en bonne santé. Je pense qu’il y aura un troisième temps de la valse : une initiative du gouvernement de l’ordre de 20 milliards pour déclencher environ 70 milliards d’investissements en fonds propres ou quasi fonds propres".

Christian Saint-Etienne espère des annonces en ce sens pour novembre-décembre, afin qu’elles soient votées dans le cadre du budget avant Noël. Comme il attend aussi des avancées dans le domaine de la formation, invitant le gouvernement à se rapprocher des unions patronales et à faire preuve d’ambition. S’il était à la place de l’exécutif, l’économiste octroierait volontiers un coup de pouce attractif aux entreprises en la matière : "J’irai jusqu’à leur dire : à chaque fois que vous formez un adulte en trois mois, avec obligation de reclassement, je vous donne 8 à 10 000 euros".

Mais un plan qui mérite une bonne note

Malgré ces quelques remarques, Christian Saint-Etienne est plutôt convaincu par la copie du gouvernement. "Si je devais la noter, je lui mettrais un 16 ou un 17/20", sourit-il, en bon universitaire. Une note plus qu’honorable pour un travail "rassurant", comme le pense aussi Patrick Martin.
"Le Medef a contribué à l’élaboration du plan de relance en bon intelligence avec le gouvernement", rappelle le numéro 2 de l’organisation patronale, satisfait de "l’orientation politique de l’offre". Bien que deux nuances s’imposent à ses yeux : "Elles tiennent au calendrier. Nous avions appelé de nos vœux l’annonce de ce plan avant l’été dans le cadre de la loi de finances rectificative qui a été votée en juillet", un souhait non exaucé, puisqu’il ne figurera qu’au projet de loi de finances 2021. Le Medef sera par ailleurs "extrêmement attentif à ce que les principales dispositions se déploient au plus près des territoires dès le début de l’année, parce que nous sommes à l’aube d’un trou d’air qui peut se traduire par des licenciements et une perte de confiance de la population".

Patrick Martin fait allusion à ce temps entre la fin des aides actionnées durant la crise, "qui devront être progressivement éteintes, par nécessité budgétaire et par philosophie", et les premiers effets du plan de relance. Pour que l’épargne de précaution revienne dans la consommation, il mise non pas sur des mesures d’accompagnement fiscal, mais sur l’instauration d’un climat de confiance. "Dans cette période d’incertitude, les chefs d’entreprise doivent, sans naïveté, porter un message combattif". Et de préciser, à la surprise générale, que leur moral est bon. "À 75%, nos adhérents sont optimistes", dixit une enquête menée par le Medef après l’entrée en vigueur du port du masque en entreprise. "Et une courte majorité prévoit de créer des emplois plutôt que d’en détruire". Parmi eux, beaucoup de patrons de PME et TPE, ceux-là même qui ont monté 98,5% des 360 000 dossiers de PGE auprès du réseau bancaire français, salué pour avoir "joué le jeu". Selon Patrick Martin, il mérite un coup de chapeau, à l’instar de "notre Administration, qui a remarquablement déployé le dispositif d’activité partielle". Ce n’est pas tous les jours qu’elle reçoit un compliment du Medef...

Photo de Une : Pour sa grande soirée des adhérents de l’UPE 06, finalement annulée, le président de l’organisation patronale, Philippe Renaudi, avait convié deux intervenants de marque, l’économiste Christian Saint-Etienne (au centre) et le numéro 2 du Medef, Patrick Martin. DR J ;P

deconnecte