Restons donc de bons (...)

Restons donc de bons Amishs !

Il y avait de l’amish qui sommeillait en moi, et je ne le savais pas : merci, Monsieur le président, de m’avoir ouvert les yeux, et c’est pourquoi je vous écris cette lettre, que vous lirez peut-être, si vous avez le temps, pour vous dire que sans votre startup nation, j’en serais encore à la bougie...
Les hasards de la vie m’ont conduit à prendre quelques responsabilités - bénévoles - au sein d’une association de copropriétaires. J’ai dû à ce titre inscrire notre copro sur un registre de l’association nationale pour l’amélioration de l’habitat (ANAH). C’est obligatoire depuis la loi ALUR.
Il vous faut d’abord ingurgiter trois tutos explicatifs. À l’issue de ces démonstrations, on vous annonce que sept minutes et quelques clics vont suffire à... sauf que l’on ne vous enverra par courrier postal le numéro de référence obligatoire que quinze jours plus tard (quand vous êtes partis en vacances de préférence).
Vous vous y recollez donc à votre retour, mais en fait de sept minutes, c’est plutôt sept heures (et autant de cachets de paracétamol) que cette démarche va exiger. Parce que ce que l’on vous demande, ce n’est pas du pipi de chat : le texte du règlement de la copropriété, le numéro de parcelle cadastrale, le numéro AZUL (???), la durée des travaux de construction, les comptes de la copro, les différents PV des AG signés, tamponnés, certifiés, approuvés, classés, astiqués et j’en passe... Autant de renseignements que l’on ne vous réclamait pas il y a encore dix-huit mois, et cela n’empêchait pas la terre de tourner, ni les appartements de se (re)vendre ou de se (re)louer, et même de se rénover.
Après deux burn-out et trois poussées suicidaires, vous finirez (peut-être) par arriver au bout de la déclaration électronique. Et là, pour vous montrer à quel point cette inscription est importante, apparaît sur votre écran avant votre signature : "toute fausse information sera punie de 45 000 euros d’amende et trois ans d’emprisonnement".
L’état a donc non seulement transféré sur le simple particulier la charge de rassembler des informations dont il dispose déjà (aux services fiscaux, dans les documents d’urbanisme, dans les archives des notaires etc.), mais en plus il le culpabilise et se fait fort éventuellement de le sanctionner.
Bien vu.
Pour ma part, j’ai répondu au questionnaire de l’ANAH en mon âme et conscience, avec les informations dont je disposais, mais sans être vraiment sûr d’avoir "tout bon" comme disent les enfants. Si les choses devaient mal tourner, je saurais gré à Mme Wargon, ministre du logement, de me faire porter des oranges à Auvare, le temps de ma (probable) détention pendant laquelle j’aurais tout le temps de méditer sur l’enviable statut d’Amish, qui loin de l’électricité et de la 5G, est heureux sans le savoir de vivre tranquillement auprès de son arbre...

NB : rien de "personnel" contre l’ANAH, qui n’est malheureusement pas le seul service dans ce cas. Je vous conseille aussi le site de télédéclaration de l’URSSAF régulièrement en rideau, et des avis de taxe foncière pour lesquels il faut faire une plongée profonde dans vos archives pour savoir à quels biens ils correspondent. Au temps des Amishs, pour ces démarches, il suffisait de prendre son bourricot et sa carriole pour se rendre dans l’administration concernée. Maintenant que la simplification administrative est en marche, nous vivons vraiment une époque formidable !

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