Sire, le temps se couvre.

Sire, le temps se couvre...

Quelques giboulées en mars n’ont rien de surprenant : des perturbations venues d’outre Atlantique se sont abattues sur Tours en Indre-et-Loire et sur les Hauts de France. Plus précisément sur Tupperware et Whirlpool. Deux usines qui vont être "délocalisées" - vocabulaire politiquement correct, annonciateur de futures friches industrielles et de nouveaux inscrits à Pôle Emploi - vers la Pologne.
Étaient-elles en difficulté financière ? Leurs carnets de commandes étaient-ils vides ? Leurs outils industriels dépassés ? Pas du tout : elles tournaient à plein régime et avaient de bons résultats. Mais ce n’était encore pas suffisant pour des actionnaires Texans ou New-yorkais...
Une autre perturbation notable est, elle, bien franco-française. Elle revient régulièrement assombrir le ciel, de préférence aux dates de départ en vacances. Air France, qui a engrangé quelques bénéfices, traverse une zone de turbulences. Son personnel veut toucher sa part dans les efforts réalisés.
Restons sur terre, avec cette fois les cheminots, qui ont composté leur ticket pour une grève dure. Finement programmée pour durer jusqu’à l’été. Les étudiants maintenant. À Montpellier, une délicate opération à coups de matraques pour "libérer" un amphi de Droit "occupé" nuitamment par quelques protestataires a mis l’université en émoi - on le serait à moins ainsi que le doyen et un professeur en garde à vue puis en examen. Épiphénomène localisé que ce dérapage incontrôlé. Tandis que dans d’autres facultés - Bordeaux, Lille, Nancy, Paris-Tolbiac, etc. - la grogne s’est installée. Les blocages se multiplient. Et les métiers de la Justice, qui restent "Droit" dans leurs bottes contre la réforme préparée par Nicole Belloubet, dont les axes risquent d’être si appréciés qu’à quinze jours de leur présentation en Conseil des ministres ils n’ont pas encore été dévoilés aux principaux intéressés - Magistrats, Avocats, Huissiers, Experts... De nouvelles actions sont annoncées.
Et Carrefour, qui entre à son tour dans la danse. Et les Ehpad, et j’en oublie...
Tout cela finit par faire beaucoup. Y compris symboliquement, alors que Mai 68 va souffler ses cinquante bougies.
La période qui s’ouvre est, du point de vue social, le premier baptême du feu pour le gouvernement. Jusqu’à présent, il a bénéficié d’une météo clémente avec les partis traditionnels, le PS et Les Républicains, assommés après leurs défaites des présidentielles et des législatives. À lui de garder le cap des réformes - nécessaires - tout en sachant écouter les aspirations de la base : difficile numéro d’équilibriste ! Il y a risque d’addition de ces frustrations et colères, de basculement de l’opinion publique. Après diverses mesures favorables au "capital", le "social" demeure plus que jamais son vrai talon
d’Achille. Demandez donc aux retraités, aux fonctionnaires... Emmanuel Macron devrait s’en préoccuper, d’urgence, avant que la rue ne se rappelle à son bon souvenir. Sire, le temps se couvre...

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