Spada : une centenaire

Spada : une centenaire toujours ambitieuse

L’entreprise azuréenne célèbre ses cent ans et veut garder la forme. Elle entame un nouveau siècle d’activité avec ses atouts historiques et des desseins de diversification.


Spada. Un nom qui parle. Dans le milieu du bâtiment et des travaux publics, son écho est national. Sur la Côte d’Azur, il sonne même aux oreilles du profane.

Le trio dirigeant de Spada : Laure Carladous, Pierre Noiray et Florent Noiray (debout). La famille est actionnaire majoritaire du groupe. DR J.P

Il faut dire que l’entreprise, dont le siège est aujourd’hui installé dans le quartier de Nice Méridia, fête son centenaire cette année. En un siècle, elle a eu le temps de se dessiner une image d’opérateur majeur de l’aménagement du territoire dans le Sud-Est (lire en page ci-contre). Au point qu’il soit impossible de lister tous les édifices et infrastructures sortis de terre par l’action de ses engins et de son béton.

"De ses hommes aussi", ajouterait volontiers Laure Carladous, qui dirige Spada Construction aux côtés de son frère, Pierre Noiray, et du fils de ce dernier, Florent. En soulignant une gouvernance qui se veut donc familiale. À plus d’un titre. "Cette particularité a toujours caractérisé l’entreprise. Elle plaît à nos clients, car elle est un gage de réactivité. Mais Spada, c’est une famille plus grande, qui dépasse les liens de sang de ses dirigeants. Nous y associons nos salariés", indique la directrice générale. "Leur attachement est réel", précise Pierre Noiray. "Il y a chez nous un véritable esprit d’entreprise qui est reconnu. Beaucoup de gens souhaitent entrer chez Spada pour cette dimension humaine".

Elle est perçue comme un atout historique, qui contribue "à une qualité de travail identifiée par l’ensemble de la profession, des maîtres d’ouvrage aux fournisseurs en passant par les concurrents. Ils savent que nous nous inscrivons dans une relation de longue durée, que nous n’avons pas pour objectif de faire un coup ponctuel", insiste Florent Noiray. Agé de 39 ans, ce diplômé de l’École nationale supérieure des Arts et Métiers (ENSAM) a intégré Spada en 2016, après une carrière dans l’automobile. Il occupe depuis l’an dernier le poste de directeur commercial et est appelé à prendre progressivement la suite de sa tante et de son père. Et Pierre Noiray de détailler : "Quand on voit ce que certaines entreprises locales sont devenues après avoir été rachetées par de grands groupes, il y a de quoi s’inquiéter. La passation avec Florent est un message fort envoyé en interne, à nos 150 collaborateurs, et en externe, à l’ensemble du secteur".

Diversification en cours pour un avenir plus sûr

Ce signal constitue à la fois une assurance et un nouvel élan, qui se traduit par une volonté de diversification de l’activité. Autrefois grand nom des travaux publics, des carrières et du terrassement, le groupe se concentre désormais sur trois filières : la construction et le génie civil, mais aussi le stockage des déchets inertes et, depuis cette année, la promotion immobilière. "Nos deux premiers projets, l’un à Vence et l’autre à Antibes, ont obtenu leur permis de construire. Les travaux débuteront en 2021". Cette nouvelle voie permet à Spada de capitaliser sur son savoir-faire et de bénéficier d’une marge de manœuvre accrue sur la gestion de son calendrier.
Autre piste explorée, "le développement durable", annonce Laure Carladous, qui vient de recruter un directeur du développement pour améliorer la présence de l’entreprise dans le recyclage et la revalorisation des déchets. L’embauche récente d’un ingénieur d’études et d’un gestionnaire de chantiers confirme la dynamique en cours, qui vise aussi le secteur de la réhabilitation des logements anciens et une extension territoriale plus à l’ouest (le marché de Spada est actuellement localisé essentiellement dans les Alpes-Maritimes et à l’Est du Var). Preuve que la longévité n’altère pas l’ambition. "Même si l’économie traverse une période difficile, nous avons une vision à long terme", indique Florent Noiray. "Avec cette diversification, nous voulons que le groupe ne soit pas à la merci d’une nouvelle crise. Cependant, notre idée n’est pas de grandir à tout crin. Nous voulons évoluer de manière prudente en donnant du sens à nos actions pour pérenniser l’entreprise et les emplois".
Parole de patron d’entreprise centenaire. Sans doute la sagesse de l’âge...

Deux noms pour un destin commun, des projets signatures

Jean Spada, le fondateur. DR Archives famille Noiray

Une entreprise de transports hippomobiles, assurant aussi la fourniture de sable et de graviers d’alluvions. C’est ainsi que débute, en 1920, l’épopée centenaire initiée par Jean Spada.
L’homme ne sait ni lire ni écrire, mais il se révèle particulièrement doué pour les affaires. Et visionnaire en matière de management. Partageant le casse-croûte du matin avec ses employés, logeant certains d’entre eux, accordant des indemnités et des primes à d’autres pour favoriser leur pouvoir d’achat, Jean Spada est l’instigateur d’une politique sociale qui lui permet de fidéliser ses collaborateurs.
Une véritable culture d’entreprise naît alors, accompagnant le développement de l’activité. Une première diversification est engagée en 1934 avec l’exploitation de la carrière de Saint-André-de-la-Roche puis les transports exceptionnels, synonymes d’une montée en puissance que la Seconde Guerre mondiale ne parviendra pas à contrarier.

L’ère Noiray
1954 doit être considérée comme une année cruciale dans l’histoire du groupe Spada, car elle incarne la rencontre entre Jean Spada et Paul Noiray. Cet ingénieur savoyard, embauché pour seconder le patron, prend la tête de l’entreprise à la mort de son fondateur, en 1962. Il la transmettra plus tard à ses enfants, Laure et Pierre.
L’ère Noiray est marquée par un essor spectaculaire, notamment dans les travaux publics et le bâtiment. Jusqu’aux années 1990, l’entreprise vit ses "Trente Glorieuses", enchaînant les grands projets structurants. Elle participe ainsi à l’élargissement de la Croisette, à Cannes, à l’aménagement de Carros-le-Neuf, à la construction d’Isola 2000, à celle du stade Louis II, à Monaco... Tronçon après tronçon, Spada contribue au désenclavement de la région via les travaux de l’autoroute A8 et de l’aéroport de Nice. En 1974, l’objectif était de gagner 200 hectares sur la mer, ce qui en faisait le plus important chantier d’Europe.

La construction du port Canto, à Cannes, a lancé l’aventure maritime de Spada. Entre 1972 et 1977, l’entreprise a réalisé de nombreux
ensembles portuaires sur le littoral méditerranéen : 25 en PACA, 2 en Languedoc-Roussilon, 3 en Corse, 2 en Italie, 4 en Espagne et 2 en Tunisie. Mais aussi 2 en Bretagne. DR Archives famille Noiray

Une renaissance
Malgré une longue liste de réalisations de premier ordre, dont font partie l’hôtel Méridien et le MAMAC, à Nice, ou encore de nombreux ports méditerranéens, Spada n’échappe pas à la récession de la fin des années 1990. Après avoir cédé ses carrières et sa branche des travaux publics, l’entreprise dépose le bilan en 2003. Mais ses dirigeants parviennent à la relever. Selon la famille Noiray, c’est le marché du Conservatoire Régional de Musique de Nice, inauguré en 2006, qui a sauvé la société. Il symbolise la renaissance de Spada. D’autres lui ont succédé depuis, parmi lesquels des édifications emblématiques comme le nouveau centre d’entraînement et de formation de l’OGC Nice, dans la plaine du Var, le collège Arnaud Beltrame, à Pégomas, la bibliothèque de la Gare du Sud, à Nice, la station d’épuration Aeris, à Cagnes-sur-Mer... "Elle représente un chiffre d’affaires de 30 millions et notre plus gros chantier sur la Côte d’Azur", indique Pierre Noiray, en énumérant les plus récents des projets signatures de Spada. "Mais l’ouvrage dont nous sommes le plus fiers, c’est sans doute le théâtre Anthea, à Antibes". Un bijou architectural, un défi de technicité dont l’escalier hélicoïdal s’inspire du musée Guggenheim de New York. "Il a nécessité une grande implication de nos équipes. Le résultat est à la hauteur de l’esthétique pure du bâtiment".

Photo de Une : Le trio dirigeant de Spada : Laure Carladous, Pierre Noiray et Florent Noiray (debout). La famille est actionnaire majoritaire du groupe. DR J.P

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