Accord Grèce-Eurogroupe :

Accord Grèce-Eurogroupe : le calme avant la tempête ?

La Grèce et l’Eurogroupe ont fini par trouver, fin février, un accord permettant au gouvernement d’Alexis Tsipras de continuer à bénéficier des aides européennes. Mais seulement pendant quatre mois et en contrepartie de nouvelles réformes.

L’accord de la dernière heure avec ses partenaires européens offre au gouvernement grec un répit de quatre mois et évite ainsi, temporairement, la survenue d’une grave crise au sein de la zone euro.

Une prolongation de l’aide sous conditions

Comme l’actuel plan d’aide prenait fin le 28 février, les négociations entre la Grèce et ses partenaires européens ont pris l’allure d’un conflit, surtout avec l’Allemagne qui affichait une position intransigeante. Il s’agissait, en contrepartie de la prolongation pendant quatre mois du plan d’aide financière, de négocier avec le gouvernement grec de nouvelles réformes structurelles.

Le résultat est que désormais l’initiative de ces réformes sera dévolue à Athènes, puis approuvée par ses créanciers. Mais cela ne change rien, car c’est toujours l’austérité qui préside aux destinées du pays depuis 2010. En effet, l’augmentation du salaire minimum, promesse phare de campagne du parti Syriza, est reportée sine die. De plus, le gouvernement s’est engagé à ne pas revenir sur les privatisations déjà menées à terme, comme celle du port du Pirée.

Le serpent de mer des réformes fiscales

Mais l’essentiel des réformes porte sur l’évasion et la fraude fiscales, devenues des priorités nationales, alors même qu’aucun des grands partis politiques qui ont dirigé la Grèce depuis 40 ans (Pasok et Nouvelle démocratie) n’ont jusqu’alors voulu se saisir de cette question explosive ! Faut-il, en effet, rappeler que les grandes fortunes et les gros patrimoines (dont l’Église orthodoxe), ne contribuent toujours que très peu au budget commun ? On évoque d’ailleurs, depuis quelques jours, une taxe sur les plus riches… En complément, des mesures anti-corruption vont être prises et la réglementation en matière de financement politique sera durcie.
Ainsi, il semble bien que la seule liberté dont dispose encore le gouvernement grec, soit celle d’aménager à la marge, jusqu’à fin avril, les réformes exigées par ses bailleurs de fonds, mais avec l’impérieuse obligation de maintenir l’équilibre des finances publiques. L’avenir social du pays devra donc attendre…

Le choix cornélien de Syriza

Syriza s’est en fait retrouvé face à un choix cornélien : soit appliquer immédiatement son programme de campagne, et se voir alors priver de liquidités pour faire face à ses obligations, soit user de moyens dilatoires, afin de retrouver quelques marges de manœuvre pour mettre en place, ultérieurement, une politique économique conforme aux attentes de ses électeurs. Cependant, une frange de Syriza a vécu cet accord comme une trahison de la part du nouveau gouvernement grec. C’est le cas en particulier de Manolis Glézos, autorité morale en Grèce, célèbre pour avoir décroché en 1941 le drapeau nazi qui flottait sur l’Acropole.

Des changements sémantiques qui ne font pas illusion

Dès lors, afin de mieux faire passer ce que certains ont qualifié un peu trop vite de soumission aux injonctions de Bruxelles, il a été convenu de changer la sémantique. Désormais, la troïka (Union européenne, FMI et BCE) laisse place aux « institutions », le mémorandum qui fixe les contreparties des plans d’aide est renommé « accord » et enfin les créanciers deviennent d’agréables « partenaires ». Mais derrière les mots, les réalités sont les mêmes, d’autant que l’économie grecque est dans un cercle vicieux dépressif, car depuis le début il y a eu erreur de diagnostic : la Grèce fait face à une insolvabilité et non pas une crise de liquidités !

Le « Grexit » reste d’actualité

La question de l’annulation d’une partie de la dette publique – qui s’élève à 320 milliards d’euros et qui est détenue en majorité par les États membres de la zone euro – reste donc plus que jamais d’actualité, comme l’a rappelé le ministre des Finances, Yanis Varoufakis. Les sommes allouées au remboursement de la dette pourraient en effet servir à relancer l’économie grecque, dont l’investissement est à un niveau historiquement bas, et à des mesures sociales d’urgence, tant les ménages subissent une paupérisation effrayante depuis 2010 (baisse de 24 % des salaires depuis quatre ans, taux de chômage de plus de 50 % pour les jeunes, etc.).

Mais que pourra faire la Grèce si ses partenaires-créanciers refusent une telle renégociation de la dette publique ?

Et si la BCE décide de couper les liquidités au pays, par exemple pour forcer le gouvernement à accepter certaines réformes, comme ce fut le cas pour l’Irlande ou Chypre ? La sortie de l’Euro (« Grexit ») deviendrait alors la seule solution pour le gouvernement grec, dans quatre mois !

par
Raphaël DIDIER

deconnecte