Les pièges de l'évaluation

Les pièges de l’évaluation d’entreprise

Combien vaut mon entreprise ? Tout dirigeant de PME se pose la question à un moment de son parcours. Quelle que soit la méthode retenue, le plus important est d’appréhender l’environnement économique de l’entreprise. Rappel des différentes méthodes et des précautions à prendre.

Par Alain Migot, associé Absoluce, expert en évaluation d’entreprise

Comment est définie la valeur d’une entreprise ? Le plus souvent, l’évaluateur utilise différentes méthodes, de manière combinée, pour aboutir à une valeur. Son objectif : déterminer une valeur objective de l’entreprise sans tenir compte des motivations spécifiques de l’acquéreur, qui peut être prêt à sur-payer une entreprise qu’il tient absolument à acquérir pour des raisons qui lui sont propres.

Ne pas confondre valeur et prix

La valeur objective de l’entreprise ne doit pas être confondue avec le prix. Elle sert de point de référence pour démarrer une négociation. Pour déterminer cette valeur objective, l’évaluateur va utiliser différentes méthodes qu’il est important de mettre en perspective, en expliquant les écarts qui peuvent apparaître. Une erreur, selon Alain Migot, consiste à utiliser plusieurs méthodes et à faire la moyenne. En effet, les résultats d’une méthode à l’autre peuvent être divergents parce qu’ils se basent sur des paramètres différents : le passé, le futur, un projet de stratégie non encore mis en œuvre... Dans ce cas, la moyenne ne signifie rien. Il faut en revanche plutôt se poser la question de la pertinence de telle ou telle méthode, pourquoi on en exclue une ; et surtout... ne pas retenir systématiquement la plus flatteuse !

Pour un évaluateur, véritable expert, la culture comptable ne suffira pas. Il s’appuiera davantage sur une combinaison de méthodes plutôt que sur des moyennes.

Attention donc, pour faire évaluer son entreprise, mieux vaut faire appel à un professionnel spécialisé.

Ne pas oublier de prendre en compte les spécificités de la société à évaluer

Le principal piège en matière d’évaluation serait de faire des calculs sans avoir réalisé au préalable un diagnostic précis de l’entreprise à évaluer, interne et externe. Quelle que soit la méthode retenue, il faut déjà bien comprendre le contexte de l’évaluation, les caractéristiques de la société et de son environnement (concurrence notamment) ; en résumé, il faut comprendre sur quel marché la société évolue, et quels sont son positionnement et sa stratégie.

Une fois cet état lieu posé, on sera en mesure de déterminer les meilleures méthodes à mettre en œuvre et les paramètres à ne pas négliger. Faire une évaluation, c’est déjà se poser les bonnes questions dans de nombreux domaines : ressources humaines, commercial, financier, technologique, industriel, environnemental, concurrentiel...

Valoriser une entreprise, c’est donc au préalable modéliser ses principales forces et faiblesses, définir les opportunités et les menaces du marché sur lequel elle évolue (matrice SWOT) pour comprendre son passé et prévoir son avenir.

Connaître les méthodes les plus utilisées et leurs limites

Trois principales approches peuvent être utilisées :

1. une approche par les multiples de valorisation de l’entreprise. L’évaluateur va se baser sur des multiples du résultat d’exploitation (EBIT - Earning before interests and taxes) ou de résultat brut d’exploitation (EBITDA - Earning before interest, tax, depreciation and amortization). La différence entre les deux : le résultat d’exploitation prend en compte les amortissements et les provisions.

Cette méthode, qui consiste à valoriser l’entreprise à partir d’un multiple d’un agrégat économique, paraît simple à mettre en œuvre mais cache quelques difficultés.

La première va être de déterminer l’agrégat (EBIT ou EBITDA) de la société cible pour l’évaluation car il doit être normatif, autrement dit il doit intégrer l’activité récurrente de l’entreprise et la rentabilité prévisible. On ne pourra pas se contenter d’utiliser le montant du dernier compte de résultat...

Ensuite, il va falloir trouver l’échantillon des sociétés avec des caractéristiques similaires qui va permettre de déterminer le multiple à appliquer. A n’en pas douter, un travail d’expert qui nécessite d’avoir accès à suffisamment de données et d’informations pour permettre de valider à la fois le panel de comparables et les retraitements à réaliser.

Autre subtilité dans cette méthode : attention à prendre en compte l’endettement net, qui est l’endettement financier de l’entreprise dont on déduit sa trésorerie. La valeur de la société sera constituée de sa valeur d’entreprise (ses actifs) moins l’endettement net.

2. la méthode des cash-flows, dite DCF pour Discounting Cash Flow. « Cash is king ». Ce raisonnement est encore beaucoup plus répandu dans le monde anglo-saxon, mais il commence à rentrer dans les mœurs en France. Il s’agit d’une méthode universelle qui peut être utilisée dans la grande majorité des évaluations. Et plus particulièrement pour les sociétés au début de leur cycle de vie (start up) avec des croissances fortes attendues sur les années à venir.

La notion de trésorerie dans le DCF revient à valoriser l’entreprise à partir de ses flux futurs actualisés. L’intérêt : cela oblige à construire un business plan, un prévisionnel. Comment l’entreprise se valorise aujourd’hui ? Avec le cash qu’elle va générer demain ! Plus elle génère du cash rapidement, plus sa valorisation augmente. Le principe de l’actualisation est l’inverse de la capitalisation. En effet, avec le temps, un capital qui génère des intérêts va augmenter. A l’inverse, l’actualisation va engendrer une diminution de la valeur : 100 000 euros dans dix ans auront moins de valeur qu’aujourd’hui. Définir le taux d’actualisation approprié à l’activité de l’entreprise est essentiel : plus le taux d’actualisation sera élevé, plus le flux actualisé va baisser.

Attention également à ce que l’évaluateur maîtrise bien cette technique. Cette méthode du discounting cash-flow est intéressante, mais subtile à mettre en œuvre. Il est essentiel de bien comprendre comment l’entreprise génère ses flux de trésorerie, par rapport à son environnement, son marché, son organisation interne... sans oublier la prise en compte de l’endettement net !

3. la méthode des comparables. Cette méthode consiste à identifier des transactions de sociétés présentant des caractéristiques similaires (secteur, taille, liquidité des titres) et d’en déduire des multiples à appliquer à la société à évaluer. Les principales difficultés consistent à réussir à obtenir les informations suffisantes sur les modalités du deal et de disposer de suffisamment d’opérations à comparer pour en déduire une tendance fiable. Pour mettre en place cette méthode, il est donc nécessaire de disposer d’accès à des bases de données de transactions.

Pour toutes ces méthodes, le baromètre Absoluce propose les paramètres à mettre en œuvre dans la démarche d’évaluation, mis à jour chaque année, qui peuvent être utilisés par tout évaluateur. Le baromètre regroupe l’ensemble des informations à travers six indicateurs clés, par secteur d’activité et taille d’entreprise.

S’imprégner du modèle économique de l’entreprise

La méthode d’évaluation est certes importante. Mais beaucoup plus fondamentale est l’analyse préalable du modèle économique de l’entreprise. Un évaluateur expert va chercher à comprendre comment l’entreprise a fonctionné jusqu’à ce jour et comment elle va se construire demain : sur quels marchés, avec quels concurrents, quelle réglementation, quelle gouvernance, quel réseau, quelle équipe commerciale, quel(s) homme(s) clé, etc. ?

L’évaluateur qui n’aurait pas accompli ce travail, en réduisant la marge pour intégrer les risques identifiés, risque fort de survaloriser l’entreprise. D’autant plus que le cédant, le plus souvent, considère le passé, met en avant les atouts pour la vente, sans pour autant intégrer les points faibles et les menaces.

Il est important, pour toutes ces raisons, de faire appel à un évaluateur expérimenté.

Photo de Une illustration DR

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