Tracfin : le blanchiment

Tracfin : le blanchiment et le terrorisme dans le collimateur

L’organisme a renforcé ses moyens depuis les attentats. Dans sa ligne de mire, les associations, les moyens de collecte et de paiement. Mais le risque demeure élevé...

Tracfin réalise chaque année une évaluation des principaux risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. Le rapport "Tendances et analyse des risques 2017-2018" que le service vient de publier cherche à approfondir certaines thématiques comme les risques liés au secteur associatif, aux réseaux de sociétés éphémères, à la montée en puissance des nouveaux prestataires de paiement, à la régulation du secteur des crypto-actifs. Le rapport explore aussi la corruption et les fraudes fiscales, sociales et douanières : nous y reviendrons dans un second volet la semaine prochaine.

Plus de deux cents cas transmis à la justice

"La lutte contre le terrorisme et son financement a changé de dimension depuis 2015" note le rapport, c’est à dire depuis les attentats de Paris qui ont ouvert un cycle sanglant sur le territoire national. Tracfin a poursuivi ses efforts, "démontrant la valeur ajoutée du renseignement financier. Il fournit rapidement des informations précises et factuelles sur des acteurs aux profils variés".
En 2017, le service a traité 1 379 déclarations portant sur des soupçons de financement du terrorisme, soit une hausse de + 17 % par rapport à 2016. "685 dossiers ont été produits, 459 ont été transmis aux services de renseignement et 226 notes ont été adressées à l’autorité judiciaire ou aux services de police judiciaire en charge de la lutte contre le terrorisme". Des opérations coordonnées avec la section antiterroriste du Parquet de Paris.
"Les principales menaces détectées en France évoluent peu dans leur nature mais restent aiguës. Elles concernent la circulation de combattants à destination ou en provenance de la zone de con ?its au Proche-Orient, ainsi que les réseaux de collecte de fonds sur le territoire au profit de filières djihadistes". Tracfin a ainsi constaté que des associations en lien avec la mouvance radicale "peuvent effectuer des opérations financières suspectes" comme des transactions en espèces ou des détournements de fonds. L’organisation considère que désormais, après le recul territorial de l’État Islamique en Irak, le risque "devrait logiquement se porter" sur les ressortissants français présents dans cette zone et organisant maintenant leur retour en France.

Services "anonymes" de paiement en ligne

Tracfin a souligné dès 2016 le risque constitué par les réseaux de collecteurs de fonds. "Ces réseaux, qui se renouvellent et utilisent divers supports de paiement, sont toujours actifs sur le territoire. Les collecteurs sont des intermédiaires, facilitateurs financiers" qui centralisent des espèces en Europe, puis les transfèrent vers des pays frontaliers des zones de con ?it. Les espèces sont alors retirées et transportées physiquement jusqu’à leurs commanditaires. Certains de ces collecteurs "sont établis sur le territoire français où ils exercent parfois une activité commerciale qui leur permet de masquer leurs opérations de financement de filières terroristes" pointent les gendarmes financiers. Qui surveillent particulièrement les services de paiement en ligne, les sites de collecte de fonds (plateformes de financement participatif et cagnottes en ligne). "De nombreux prestataires internationaux de services de paiement offrent simplicité et rapidité, et, dans certains cas, un relatif anonymat. Ils peuvent poser des difficultés de contrôle aux superviseurs nationaux".

Les missions, les moyens

Créé par la loi no 90-614 du 12 juillet 1990, TRACFIN est l’acronyme de Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits financiers clandestins. C’est un organisme du ministère de l’Économie, des Finances, de l’Action et des Comptes publics chargé de la lutte contre la fraude, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
TRACFIN est un service d’enquête administrative, saisi sur la déclaration de soupçon d’un organisme financier (banques par exemple, qui doivent signaler les mouvements suspects).
Il agit par échange d’informations avec les administrations de l’État, notamment l’Office central de répression de la grande délinquance financière, l’Autorité de contrôle prudentiel, l’Autorité des marchés financiers ou avec les collectivités territoriales. Au terme de son enquête, une présomption de soupçon peut être transmise à la justice, en application de l’article 40 du code de procédure pénale.
Fin 2017, l’organisme comptait 151 agents, dont une dizaine d’officiers de liaison. TRACFIN est installé à Bercy.

Des accords internationaux

Soixante-dix pays, réunis à Paris en avril dernier, ont souscrit à des engagements de lutte contre le financement du terrorisme. Les principaux points de cet accord :
- Renfort des cadres juridiques et opérationnels internes pour la collecte, l’analyse et le partage des informations par les autorités nationales.
- Lutte contre les transactions financières anonymes (intermédiaires financiers clandestins, hawalas*, paiements en espèces, cartes prépayées et autres moyens de paiement anonymes). *virement en arabe
- Traçabilité et transparence des fonds destinés aux organisations à but non lucratif et aux œuvres caritatives.
- Prévention du risque de détournement des nouveaux instruments financiers (crypto-actifs).
- Relations avec l’industrie du numérique, pour lutter contre les risques liés à la collecte de fonds en ligne.
- Implications des principales plateformes internet et principaux réseaux sociaux.
- Réaffirmation de l’utilité des mécanismes nationaux et internationaux de gel et de saisie des avoirs.

Photo de Une (illustration) DR

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