Immunosearch, le labo

Immunosearch, le labo grassois prêt à devenir leader mondial

ImmunoSearch vient de voir son test de sensibilisation pour produits cosmétiques validé scientifiquement au niveau international. Ce qui va décupler son développement.

La patience est une vertu. Après plus de dix années de recherche, de démarches et de négociations, le laboratoire ImmunoSearch, créé en 2007, devrait connaître un essor aussi rapide que spectaculaire.

Le tout grâce à un test de sensibilisation pour produits cosmétiques d’une redoutable efficacité.

Françoise Cottrez, Hervé Groux, Christian Guyon DR S.G

Avant de pouvoir vendre un produit, les géants comme L’Oréal ou LVMH doivent faire tester les ingrédients entrant dans la composition.
Or depuis mars 2013, il est interdit de tester la sensibilité des produits cosmétiques sur des animaux, selon une directive européenne. Il faut donc passer par des méthodes dites alternatives, comme les tests in vitro. Des tests qui doivent être validés par l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Hervé Groux, Dr vétérinaire et Dr ès Sciences et Françoise Cottrez, Dr ès Sciences à la tête d’ImmunoSearch, ont ainsi mis au point en 2009 un test dit alternatif.
Ce test, baptisé SENS-IS et efficace à 95%, vient d’être validé par le laboratoire de l’Ecvam (Centre européen de validation des méthodes alternatives), ouvrant la voie à la reconnaissance internationale et à un développement en flèche dès aujourd’hui. Il reste encore quelques étapes dans le processus de validation mais elles sont surtout d’ordre administratif. "Mettre dix ans pour valider un test quantitatif, c’est beaucoup trop long", confie Hervé Groux. "C’est tellement long que l’ECHA (Agence européenne des produits chimiques), ne voyant pas venir de test quantitatif in vitro, a demandé aux industriels de la cosmétique de refaire des tests sur les animaux pour bien savoir quelle est la dose toxique. Alors que c’est interdit et que notre technique existe".

"De bonne guerre"


Aujourd’hui, les tests in vitro validés sont issus de géants de la cosmétique, comme le suisse Givaudan ou le français L’Oréal. "Ils ont plus de moyens, ils peuvent aller plus vite", reconnaît Hervé Groux. Il y a également le test d’un autre laboratoire indépendant, le suédois SenzaGen. "Mais ils n’ont pas un test quantitatif même s’ils annoncent qu’il l’est ; c’est de bonne guerre", souligne le chercheur. C’est le point fort du test d’ImmunoSearch : il est, lui, quantitatif, c’est-à-dire qu’il apporte une précision extrême, allant au-delà d’une simple réponse oui ou non (voir par ailleurs). Mais tant qu’il n’était pas reconnu par l’OCDE, il ne pouvait pas être utilisé officiellement par les industriels. "C’est long pour tout le monde. Le système est mal fait. À l’OCDE, il y a une seule réunion d’experts par an". "On dit qu’en France il y a un poids de l’administration mais je peux vous dire qu’en Europe et à l’OCDE, ils savent aussi ce que c’est", confirme Christian Guyon, ancien président de l’Ucejam (Union des compagnies d’experts de justice des Alpes-Maritimes et du sud-est), venu épauler Hervé Groux dès 2007, prenant en charge la partie financière. Hervé Groux, fondateur à la fin des années 90 de la biotech TxCell (travail sur la thérapie cellulaire des maladies inflammatoires chroniques), et Christian Guyon, spécialiste en évaluation d’entreprises, sont loin d’être des novices et ils ont réussi à franchir les obstacles les uns après les autres.

Brevets

Le test SENS-IS est fiable à 95%. DR S.G

Hervé Groux sait très bien que le brevet déposé pour protéger son test a également retardé le processus. Mais il sait aussi que, ici comme ailleurs, l’argent est le nerf de la guerre.
Difficile de lui donner tort quand on regarde ce qui se passe actuellement avec les vaccins pour le Covid-19.
"Il a fallu qu’Hervé arrive à convaincre l’OCDE que cela ne nous conférerait pas un monopole, puisqu’on accorderait des licences", explique Christian Guyon, directeur financier à temps partiel et également actionnaire d’ImmunoSearch. C’est d’ailleurs ce que l’entreprise a fait puisque trois laboratoires, deux français et un américain, ont obtenu des licences, après avoir été formés par Hervé Groux, devenu expert de l’OCDE en 2011. Le laboratoire a d’abord été subventionné par l’État puis par les grands groupes cosmétiques français : Fabre, L’Oréal, LVMH et Chanel.
"On a été aidés car ils savaient que notre test était bon, après nous avoir envoyé des produits en aveugle, dont ils connaissaient la toxicité. Cela nous a permis de dégager un autofinancement. Il y avait ce plafond de verre de l’OCDE et là on va vraiment booster notre développement", assure Christian Guyon.
ImmunoSearch est aujourd’hui composé de quatre personnes : Hervé Groux, son épouse Françoise Cottrez, directrice du laboratoire, Christian Guyon et Elodie Boittel, technicienne supérieure. La société, qui compte comme actionnaires les industriels français des arômes et des parfums Robertet et Mane, devrait bientôt déménager à Sophia Antipolis et multiplier ses effectifs par trois d’ici la fin de l’année.
Quant à son chiffre d’affaires, il devrait s’envoler, passant d’un million en moyenne, hors Covid, à plus de 50 millions d’euros en 2025.

Un envol bien programmé

Le laboratoire va s’implanter à Sophia Antipolis, dans des locaux trois fois plus grands que ceux-ci DR S.G

Le business plan d’ImmunoSearch a été conçu en six mois par Hervé Groux et Christian Guyon, spécialiste de la gestion d’entreprise au CV impressionnant. Diplômé d’HEC, d’Expertise comptable, auteur d’une thèse d’État sur la prédiction de faillite des entreprises, Christian Guyon a été chargé de conférences à l’ENA, HEC et professeur à l’université de Nice et de Berkeley. Il a également écrit douze ouvrages sur le diagnostic financier et le contrôle de gestion et conseillé de très nombreuses entreprises. Christian Guyon a aussi été président de l’Ucejam de juillet 2016 à juin 2019 et il est toujours membre de l’association. Depuis 2011, il a traité pour la justice 15 dossiers d’évaluation d’entreprise. Il sait donc de quoi il parle. Pour ImmunoSearch, il prévoit un chiffre d’affaires de 1,7 million d’euros en 2021, 6,7 millions en 2022, 20,3 millions en 2023, 32,7 millions en 2024 et 53,2 millions en 2025. En ce qui concerne les effectifs, la petite structure devrait passer de 12 personnes fin 2021, à 21 en 2022, 43 en 2023 (avec la création d’une filiale et d’un laboratoire aux États-Unis), 57 en 2024 et 72 en 2025. En 2021, il y aura un investissement matériel pour un montant de 282 000 euros. "On va s’implanter à Sophia Antipolis, dans des locaux trois fois plus grands. Dans ce nouveau laboratoire il devrait y avoir trois secteurs : une partie recherche pour créer d’autres tests et élargir notre gamme, un laboratoire BPL (bonnes pratiques de laboratoire), ce qui nous permettra d’accueillir tous nos licenciés en formation (actuels et à venir) et d’effectuer nous-mêmes un certain nombre de tests pour nos clients, et, à la fin de l’année, une partie chargée de produire les peaux et tissus humains reconstruits qui nous servent de base pour nos tests." En 2025, l’investissement en ressources humaines devrait approcher les 5 M€.

"SENS-IS", test qualitatif car quantitatif


Le test d’ImmunoSearch ne se contente pas de dire si un produit est sensibilisant ou non. Il indique précisément à partir de quelle dose il devient sensibilisant. Hervé Groux développe : "Il y a deux notions en immunité : une notion d’étranger et une notion de dangerosité, c’est-à-dire : est-ce que cet étranger est dangereux ou non ? C’est en fonction de ce danger que notre système immunitaire réagit ou ne réagit pas. On ne va pas réagir de façon très forte contre un étranger qui n’est pas dangereux. Avec notre test, on mesure de façon très fine le danger. On est capable de détecter un niveau de danger qui va permettre au système de réagir, mais aussi de savoir à quel moment le signal va être suffisamment éteint pour qu’il ne soit pas déclencheur. On est capable de savoir à quelle dose on est au-dessus, ou en-dessous, donc cela nous permet de connaître la dose toxique. Nos clients savent à quelle dose ils peuvent utiliser le produit, ce qui n’est le cas d’aucun autre test utilisé dans le monde. Ceux-ci vont juste vous dire si un produit a un potentiel dangereux mais vous ne savez pas à quelle dose. La technique qui nous permet de lire les gènes, c’est de la PCR quantitative. C’est la même technique que le test PCR de la Covid. Notre spécificité c’est d’avoir trouvé quels gènes regarder. (…) Notre test va également permettre de tester les ingrédients et les produits finis. Aujourd’hui les produits finis ne sont pas testés, car ce n’est pas obligatoire. Et quand ils sont testés, c’est chez l’homme. On apporte une solution qui permet de tester les produits finis de façon plus éthique et tout aussi efficace".
Pour réaliser son test, l’équipe d’ImmunoSearch a besoin de peaux humaines reconstituées. "Avec un échantillon de peau tout petit, issue notamment de déchets chirurgicaux, on arrive à fabriquer des surfaces de peau très importantes".

Photo de Une : L’équipe au complet (de gauche à droite) : Françoise Cottrez, Hervé Groux, Christian Guyon et Elodie Boittel. DR S.G

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