Agriculture dans les (...)

Agriculture dans les Alpes-Maritimes : après la tempête...

Après cinq années de guerre et de disette, la priorité pour les pouvoirs publics fut de nourrir la population. C’était une autre époque, celle d’une agriculture extensive. Il fallait produire beaucoup, pas cher, pour que tout le monde puisse manger à sa faim. Aujourd’hui, la préoccupation est devenue surtout environnementale avec le développement de meilleures pratiques, mais aussi sociale avec des paysans qui peinent à vivre de leur travail.

Dans la Région Sud, l’agriculture ne représente plus que 4,5% de la production nationale. Elle a beaucoup reculé : il ne reste plus que 20 000 exploitations contre 73 500 en 1970 ! Les Alpes-Maritimes n’échappent pas à cette tendance : il n’y a en activité actuellement que deux mille chefs d’exploitations qui génèrent 1 700 emplois familiaux (conjoints, enfants) et près de 3 000 salariés. C’est peu pour un département d’un million d’habitants...

Les cartes rebattues

Si le 06 n’est plus une grande terre agricole, il a misé depuis quelques années sur les produits de qualité et d’authenticité. Les viandes de nos alpages, les miels, fruits, fleurs et le maraîchage ont gardé leur place dans le paysage économique, avec des exploitations modestes (70% ont moins de 2,5 hectares de surface), ce qui correspond à la nature de leur production. Il n’y a que le pâturage qui est gourmand en espaces, et dans nos montagnes, il est bien servi...
Mais les cartes sont en train d’être rebattues avec l’installation de nouveaux arrivants. Souvent des petits jeunes, bardés de diplômes, qui se retroussent les manches pour se défricher un chemin bordé d’épines mais en phase avec le mode de vie auquel ils aspirent. Pour eux, l’aventure est belle mais pas simple. Surtout quand les caprices du temps s’en mêlent et que des inondations viennent ravager de jeunes exploitations forcément fragiles...
Est-il nécessaire de rappeler que la vie des agriculteurs installés le long des 46 kilomètres de la Vésubie a été totalement bouleversée par les inondations catastrophiques de début octobre ? Quatre mois après cet événement exceptionnel en intensité et en violence, il faut savoir faire contre mauvaise fortune bon cœur : le pire est désormais derrière nous et le temps de la reconstruction est arrivé !
Saint Martin, Saint Jean-la-Rivière, Utelle, Roquebillière, Lantosque, Plan-du-Var... Les exploitations installées dans la vallée de la Vésubie se sont retrouvées totalement coupées du monde avec les routes et les ponts emportés. Alors que la nature était au repos et les récoltes faites, la situation a surtout été critique pour les éleveurs. Certains n’avaient plus rien à donner à leurs bêtes. Pour d’autres, les troupeaux, paniqués, se sont égarés dans la montagne.

Capacités de production intactes

La solidarité professionnelle a joué à plein. Les "collègues" des départements voisins ont envoyé sur Nice des tonnes de fourrage qui ont ensuite été acheminées grâce aux moyens logistiques du Département et de la Métropole. Les lieux inaccessibles ont été ravitaillés par hélicoptère. La Roya n’a pas été oubliée. Les aides de la Chambre d’agriculture, des collectivités territoriales dont la Région, de l’État ont contribué à maintenir l’activité et la vie sur place. Après la période des urgences, nous arrivons maintenant dans la phase de la reconstruction sur le long terme.

Elle coïncide avec le printemps, clin d’œil du renouveau espéré pour les agriculteurs.

Les capacités de production maraîchères et d’élevage sont intactes. Après la pluie, (re)viendra le beau temps...

Trois questions à Jean-Philippe Frère, vice-président de la chambre d’agriculture-06.

La solidarité a t-elle été au rendez-vous après la tempête ?
- Oui, nous avons été soutenus par les agriculteurs des départements voisins. Ils ont offert 380 tonnes de fourrage pour la Vésubie et la Roya. Le Rotary, le Lions, le Mérite agricole national, la Fédération des chasseurs, la FDSEA et le Crédit Agricole ont aussi beaucoup aidé. Je veux saluer la mobilisation exceptionnelle du Département et de la Métropole. Des camionneurs ont aussi transporté le fourrage gratuitement, c’est remarquable.

Où en est-on maintenant ?
- Ce sont surtout les éleveurs qui ont été impactés par la tempête. Toutes filières confondues, 82 exploitations ont été touchées dans les vallées par Alex. Certains ne repartiront pas, même si nous faisons tout pour soutenir la profession. D’autres sont partis pour l’hiver dans les Bouches-du-Rhône avec leurs troupeaux mais vont revenir. L’enjeu, c’est la relocalisation des exploitations.

Quelles sont les principales difficultés ?
- Elles sont liées à la problématique de la circulation et de l’isolement. La grande masse de nos acheteurs se trouve sur le littoral, qui reste difficile d’accès pour les Valléens. Nous avons aussi perdu la clientèle des restaurants, fermés depuis des mois, et maintenant celle des stations de ski qui ne rouvriront pas cette saison. Heureusement, la grande et moyenne distribution a joué le jeu de la proximité, ce qui nous a permis d’écouler une partie de nos produits. Mais la période n’est pas simple !

Des choses qui ont moins marché ?
- Nous demandons maintenant davantage d’efforts à l’ État. Parce que malgré tous les engagements pris par le ministre de l’agriculture, nous sommes encore loin de nos besoins et des attentes ! On sait que beaucoup de secteurs seront classés en rouge dans les vallées, et donc inconstructibles. Mais il faudra quand même que l’on puisse s’installer...

Photo de Une : Fertile et cultivée, la basse vallée du Var n’a pas été touchée par les inondations d’Alex. DR JMC

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