106 ème congrès des notaire

106 ème congrès des notaires : Le notariat se prépare à la bataille

  • le 1er juin 2010

Vent debout contre l’acte contresigné par un avocat, dont ils avaient pourtant accepté le principe à l’automne, les notaires craignent que le gouvernement ne laisse les cabinets d’affaires se positionner sur le marché de l’immobilier. En congrès à Bordeaux, les praticiens demandent, en outre, une revalorisation de leur tarif.

Des applaudissements nourris, mais pas vraiment à tout rompre. Une salle qui se lève, mais avec une certaine lenteur, un peu d’hésitation. Certes, les notaires respectent et apprécient leur ministre de tutelle, Michèle Alliot-Marie, qui assiste, comme il est d’usage, à la séance inaugurale de leur congrès annuel. Mais ce lundi 31 mai, au Parc des Expositions de Bordeaux, l’enthousiasme se fait moins massif qu’il n’a déjà été. A l’instar des kremlinologues qui analysaient autrefois les moindres gestes des dirigeants soviétiques lors des défilés sur la place Rouge, les observateurs parviennent ainsi à déceler, à l’aide de petits détails, la grâce ou la disgrâce dont jouit le représentant de l’Etat.
Les notaires « se méfient », admet-on au Conseil supérieur du notariat (CSN). Ils n’ont toujours pas avalé la création annoncée, en décembre dernier, par le Garde des sceaux, d’un « acte contresigné par avocat », permettant aux robes noires de certifier un contrat. Le notariat, qui a pourtant donné son accord, tout comme le Barreau, à la naissance de ce nouveau type d’acte, y voit une menace inadmissible pesant sur le monopole de l’acte authentique.

En janvier, lors des « Etats généraux du notariat » regroupant 7 000 praticiens à Paris, la profession n’avait pas apprécié le ton employé par la ministre, exigeant des juristes qu’ils ne « perdent pas de temps avec des querelles d’un autre âge » avant de préciser vertement : « c’est valable pour tout le monde, que cela vous plaise ou non ». Echaudés par tant de franchise, les notaires exigent des marques d’affection, des actes rassurants. Jean-Pierre Ferret, président du CSN, joue l’élève modèle auquel on demande beaucoup car on sait qu’il restera raisonnable. « Vous nous avez invités à la réconciliation avec les avocats alors qu’à aucun moment nous n’avons porté le trouble », lance le praticien à sa ministre de tutelle. Jean-Pierre Ferret réclame ensuite une revalorisation du tarif de la profession. « Le but » de cette révision, notamment en matière immobilière, « n’est pas d’augmenter le chiffre d’affaires de la profession », assure-t-il, mais de « permettre une plus juste rémunération des opérations les plus courantes ».

Inquiétudes

L’essentiel du discours tenu par le président du CSN vise toutefois, bien plus que la ministre, la profession d’avocat. Ainsi, le notariat refuse-t-il catégoriquement que l’interprofessionnalité à laquelle l’encourage l’Etat se traduise par un partage d’émoluments avec les avocats. Maniant tour à tour l’ironie, le sarcasme ou la colère, Jean-Pierre Ferret décrit un barreau dominé par des « cabinets anglo-saxons » prêts à se positionner sur le marché de la vente immobilière, terre sacrée des notaires. Quelles que soient les affirmations du gouvernement, le nouvel acte d’avocat fournirait en réalité aux robes noires une opportunité de garantir la sécurité d’un acte, ce dont les notaires ne veulent à aucun prix. « Pourquoi certains barreaux se lancent-ils dans la négociation immobilière ? Pourquoi d’autres mettent-ils sur pied des formations sur la vente immobilière ? Que signifient les offres de service faites aux réseaux d’agences pour rédiger ou contresigner des avant-contrats ? », s’interroge le président du CSN, qui semble douter de l’impartialité de l’Etat. « Je regrette que l’un d’entre vous ne soit pas devenu président de la République », lance-t-il à ses confères, qui l’applaudissent chaleureusement.

Michèle Alliot-Marie assure qu’elle « entend les inquiétudes » de la profession. Or, l’ « inquiétude psychologique est par nature une fragilité ». Dès lors, elle ne peut que répéter, inlassablement, le discours apaisant qu’elle tient depuis quelques mois aux uns comme aux autres. Oui, « vous incarnez la pérennité du droit », lance la ministre aux congressistes. Non, « il n’est pas question de remettre en cause l’acte authentique ». Oui, « les notaires sont des officiers publics, les avocats des auxiliaires de justice. Leurs statuts sont différents et leurs actes aussi ». Et, enfin, « le notaire est l’un des piliers du droit continental » dont le gouvernement veut « faire la promotion dans le monde entier ».

Bataille de lobbyistes

L’acte contresigné par un avocat doit être examiné par l’Assemblée nationale le 23 juin, avant de passer devant le Sénat à l’automne. D’ici là, chacune des deux professions se prépare activement. Michèle Alliot-Marie n’est pas dupe : « je connais parfaitement le lobbying auquel certains peuvent se livrer auprès des parlementaires », affirme-t-elle en souriant, lors d’une conférence de presse organisée après l’ouverture du congrès. Le gouvernement tiendra sa position, issue de la négociation serrée entre les deux professions, menée fin 2009. « Je n’ai pas l’intention d’accepter la remise en cause de ce consensus », affirme la ministre. La Chancellerie devrait donc s’opposer à tout amendement favorisant l’une ou l’autre des deux professions.

C’est également à l’automne que le notariat sera fixé sur un autre sujet qui lui tient à cœur. La Cour européenne de Justice devrait en effet se prononcer sur la condition de nationalité qui limite toujours l’accès de la profession, dans plusieurs pays européens, à un ressortissant autre que national. Paris, comme d’autres gouvernements européens, s’oppose à la levée de cette condition. Le notariat soutient ardemment cette position défensive. L’avocat général de la Cour de Luxembourg se prononcera en septembre, avant que les juges ne rendent publique leur décision fin 2010 ou début 2011.

Activité : amélioration en cours

L’an dernier, les notaires subissaient de plein fouet les effets de la crise de l’immobilier. Ce n’est pas terminé. Les derniers mois ont été rudes. « Il y a eu des liquidations d’études, des licenciements de collaborateurs, des notaires qui ne se sont pas payés pendant six mois ou un an », affirme-t-on au CSN. Même si les nuages noirs provoqués par les dettes des Etats s’amoncèlent au loin, la conjoncture s’améliore toutefois. Pour preuve, 3 600 praticiens participent au congrès de Bordeaux, contre seulement 2 800 l’an dernier à Lille. Le thème des discussions, le couple cette année, le fonds de commerce l’an dernier, y est sans doute pour quelque chose. Mais l’état des finances des études peut aussi expliquer ce sursaut.

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