106ème congrès des notaires

106ème congrès des notaires Les notaires et le couple

  • le 29 mars 2010

Le prochain congrès des notaires, qui se déroulera du 30 mai au 2 juin à Bordeaux, s’intéressera aux aspects patrimoniaux de la vie de couple. Les praticiens étudient le mariage, le concubinage et le pacs. Ils se sont pourtant montrés circonspects, il y a dix ans, à l’égard de cette dernière forme d’union.

« Dix ans, c’est le temps qu’il fallait aux notaires pour s’approprier le pacs », reconnaît sans ambages Jean-François Sagaut, notaire à Paris et rapporteur général du prochain congrès de la profession, qui se déroulera fin mai à Bordeaux. Les notaires ne s’en cachent pas, ils se sont longtemps méfiés de cette évolution de la société. Au moment où l’Assemblée nationale vote le texte, en 1999, la profession s’oppose de manière virulente à « la confusion » qu’entraînerait selon eux la reconnaissance du couple homosexuel. Ces dernières années, à chaque fois que l’occasion leur a été donnée, les notaires ont continué à montrer leur désapprobation. Sifflements lorsqu’un représentant du maire de Paris, lors du congrès de 2004, évoque le partenariat civil. Applaudissements nourris lorsqu’un vieux professeur de droit, la même année, fustige les unions « contre-nature ».
Le notariat explique le regard distancié qu’il porte sur ce contrat par des réticences autant sociologiques que juridiques. « Le pacs, voté dans les circonstances que l’on connaît, était destiné à répondre à une communauté », lâche aujourd’hui Jean-François Sagaut. Quant aux sifflets entendus lors des congrès, à entendre Damien Brac de la Perrière, notaire à Lyon et président du congrès de Bordeaux, ils ne cachaient pas une condamnation des couples de même sexe mais « marquaient une opposition à l’organisation juridique du partenariat ». Le texte voté en 1999 « présentait des difficultés d’application », d’autant que « par une maladresse de la rédaction, les notaires se trouvaient exclus » de l’opération juridique que constitue le pacs, regrette Jean-François Sagaut. Désormais, les praticiens contribuent à rédiger les « contrats de pacs » signés par les partenaires, à l’image des contrats de mariage. Et puis, expose le rapporteur général, la donne a changé : « seuls 5% des Pacs contractés sont de nature homosexuelle ». Le nouveau statut a remporté un succès inattendu : 146 000 contrats ont été signés en 2008, à comparer avec les 273 000 mariages conclus la même année.

Les confins de la sociologie et du droit

La profession peut donc consacrer ses travaux aux « défis » patrimoniaux de « la vie à deux », qu’il s’agisse du mariage, du pacs ou du concubinage. Le thème est « un peu plus notarial » que le fonds de commerce sur lequel les notaires s’étaient penchés lors de leur dernier congrès, à Lille, en mai 2009, reconnaît Damien Brac de la Perrière. Dans une France où « il y a un notaire à côté de chaque église », explique le président du congrès, les praticiens sont en effet plus souvent amenés à démêler les conséquences patrimoniales d’une union que de gérer la transmission d’une entreprise.
A Bordeaux, les congressistes s’inspireront, pour nourrir leurs travaux, des situations vécues par leur clientèle. Cet homme et cette femme désireux d’acheter une maison ensemble, par exemple, se présentant tous deux comme « célibataires » alors que, vérification faite par le praticien, Monsieur est marié depuis quinze ans. « Ah oui, mais c’est une vieille histoire ; nous nous sommes séparés quelques mois plus tard », avait répondu le quidam, qui a dû divorcer pour acquérir le bien qu’il convoitait avec sa compagne.
Le sujet du congrès, détaille Jean-François Sagaut, se situe « aux confins de la sociologie et du droit ». Le couple ne fait d’ailleurs l’objet d’aucune définition légale, constate l’équipe d’une douzaine de notaires qui a préparé le congrès de Bordeaux (cf encadré). S’appuyant sur les textes existants, les praticiens ont établi que « le couple serait l’union d’un homme et d’une femme ou de deux personnes de même sexe résidant ensemble, c’est-à-dire ayant établi entre eux une relation affective et physique, stable et continue caractérisant une véritable communauté de vie ».
Aidé par son équipe, le rapporteur général a établi un « état des lieux exhaustif des différents modes de conjugalité ». Usant d’un vocabulaire précis et désincarné de juriste, le praticien a découpé la vie de couple en trois périodes ou « saisons », au cours desquelles le notaire peut intervenir : la « phase d’investissement », le « cas pathologique » qu’est la rupture et le moment de la « transmission » consécutive au décès d’un des partenaires. Les notaires souhaitent dresser « le caryotype de chaque type d’union » mais aussi ajouter à ces « communautés d’oreiller », les « autres formes de vie à deux », par exemple deux frères ou sœurs terminant leur existence sous le même toit. Chaque « saison » de la vie conjugale fera l’objet, lors du congrès, des travaux d’une commission : l’union, l’investissement, la séparation et la succession.

Outils juridiques adaptés

Toutefois, du point de vue des notaires, les couples ne se définissent pas tant par leur statut, mariage, pacs ou concubinage, que par la manière dont ils envisagent la gestion de leur patrimoine. Les uns placent les biens acquis par le couple en commun, tandis que les autres font budget séparé. Qu’ils soient « communautaires » ou « séparatistes », ils forment donc un objet juridique différent. Pour gérer au mieux cette pluralité de statuts, l’équipe du congrès propose d’« emprunter aux techniques du régime patrimonial » mais aussi de faire usage d’« outils exogènes », affirme Jean-François Sagaut. Une vingtaine de propositions distribuées selon quatre axes, ordonner, moderniser, clarifier et innover, ont été rédigées par l’équipe du congrès. Elles seront discutées par les notaires présents puis transmises à la Chancellerie qui décidera, espèrent les praticiens, de s’en inspirer.

L’équipe du congrès

Le président du 106ème congrès des notaires, Damien Brac de la Perrière, notaire à Lyon, a constitué une équipe composée de confrères installés dans plusieurs régions de France.

- Rapporteur général : Jean-François Sagaut, Paris

- Vice-présidente : Monique Bertrand Comaills, Millas (Pyrénées-Orientales)
- Président de la première commission « S’unir » : Jean-Michel Coquema, Joué-lès-Tours (Indre-et-Loire) ; rapporteur : Charles Barthelet, Chazay d’Azergues (Rhône)

- Président de la deuxième commission « Investir » : Jean-Brice Dassy, Bayonne (Pyrénées-Atlantiques) ; rapporteur : Marie-Gabrielle Migeon Cros, Saint-Quentin Fallavier (Isère)

- Président de la troisième commission « Se désunir » : Olivier Gazeau, Vayrac (Lot) ; rapporteurs : Hugues Lemaire, Comines (Nord) et Franck Vancleemput, Meylan (Isère)

- Présidente de la quatrième commission « Transmettre » : Florence Gemignani, Paris ; rapporteur : Gilles Bonnet, Paris

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