Droit à la vie privée (...)

Droit à la vie privée et liberté d’information

  • le 15 juillet 2010

Le développement des moteurs de recherche sur Internet pose, au regard du droit à l’oubli, de véritables questions quant aux impératifs de protection de la vie privée des justiciables, cités dans les articles de presse rendant compte du déroulement d’une instance judiciaire.
Le seul fait, pour un prévenu, d’être cité dans un journal suffit, du fait de la numérisation et de la mise sur Internet des titres de presse, à ce que son nom soit à jamais associé aux circonstances dans lesquelles il a eu à faire avec la justice, parfois plusieurs années auparavant.

La difficile conciliation entre droit à la vie privée et règles régissant la liberté d’expression protégeant les organismes de presse, a été effleurée par la Commission nationale Informatique et Libertés (Cnil) dans une délibération n° 01-057 du 29 novembre 2001.

La Cnil a appelé l’attention des organes de presse sur l’intérêt s’attachant à ce que la mise en ligne, sur des sites Web en accès libre, de comptes-rendus de procès ou de décisions de justice citant les personnes physiques parties ou témoins à un procès, suscite une réflexion d’ordre déontologique, lorsque la liberté d’information ne parait pas nécessiter la désignation nominative des personnes concernées.

Manque de protection

Ainsi, s’il peut être considéré comme légitime que la presse relate, au moment des faits ou de l’audience qui s’en suit, le déroulement d’une instance pénale en mentionnant notamment le nom du prévenu ou des victimes, il semble, au contraire, contestable que de telles informations subsistent sur Internet plusieurs années après les faits, au préjudice des personnes citées.

Certaines dispositions pénales font interdiction de mentionner, à l’occasion de la diffusion de certaines décisions de justice, le nom des parties : c’est le cas en matière de filiation, de divorce, d’avortement ou de mineurs. Toutefois, rien de tel n’existe pour les infractions de droit commun, rendant les personnes concernées particulièrement démunies de recours juridique.

Ce manque de protection est d’autant plus étonnant que le juge lui-même dispose de la faculté, pour certains contentieux déterminés, d’ordonner l’affichage ou la diffusion des décisions qu’il rend, pour une durée limitée dans le temps ; étant précisé qu’une telle mesure constitue une peine complémentaire (article 131-10 du Code Pénal).

Droit d’opposition

Des requêtes peuvent toutefois être adressées aux organes de presse, à l’origine des articles contestés, pour leur faire part de l’atteinte, que constitue le maintien en ligne d’un article ancien, au respect dû à la vie privée de toute personne.

Au besoin, le droit d’information prévu par la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978 nous semble également pouvoir être invoqué pour permettre à toute personne dont les données à caractère personnel sont utilisées, de s’opposer, pour des raisons légitimes, au traitement mis en œuvre.

Ce droit d’opposition pourrait également être revendiqué à l’égard des moteurs de recherche et ce d’autant plus que les données relatives aux infractions, condamnations et mesures de sureté ne peuvent, en application de l’article 9 de la loi Informatique et Libertés, être traitées que par les juridictions, autorités publiques, personnes morales gérant un service public, auxiliaires de justice et personnes privées limitativement désignées par la loi.

Dans une période où les débats sur le droit à l’oubli font rage, gageons que ce genre d’initiative émanant de personnes victimes de la numérisation de comptes-rendus de procès parfois anciens, se développeront afin de leur permettre de rechercher sereinement un emploi, un logement...Ou, plus simplement, de poursuivre leur existence sans être systématiquement rappelées par des condamnations ou des faits anciens.

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