Communes : comment (...)

Communes : comment atteindre l’objectif de 25 % de logements sociaux ?

La « loi Duflot », votée le 10 octobre, prévoit de porter de 20 % à 25 % la proportion de logements sociaux qui était imposée aux communes de plus de 3 500 habitants depuis la loi SRU du 13 décembre 2000. Un objectif difficile à atteindre pour certaines, qui se heurtent à de nombreuses difficultés : raréfaction du foncier non bâti, prix trop élevés… Ces communes disposent cependant d’une large palette d’outils juridiques pour aider les bailleurs sociaux à développer l’offre sur leur territoire.

Des règles d’urbanisme plus favorables

En premier lieu, le Code de l’urbanisme permet aux communes de prévoir des règles plus favorables pour les projets de logement sociaux. Il les autorise, par une simple délibération motivée, et sous quelques conditions, à majorer, dans la limite de 50%, le coefficient d’occupation des sols (COS) ou les règles relatives au gabarit, à la hauteur et à l’emprise au sol, pour les programmes de logements comportant des logements locatifs sociaux. Ce mécanisme de majoration des droits à construire permet d’augmenter les surfaces constructibles des projets et, ainsi de rééquilibrer leur rentabilité. En somme, on compense partiellement la contrainte financière résultant des logements sociaux par un accroissement des surfaces commercialisables.

Cependant, cette mesure simple et efficace doit être utilisée avec prudence et mesure. En effet, les projets de logements sociaux soufrent encore, parfois, d’une image défavorable auprès de la population, qu’il faut alors cumuler avec celle, également défavorable, de la surdensité. Le risque est alors que toutes les conditions soient réunies pour susciter une réaction, voire un contentieux, de la part du voisinage.

Afin de préserver des terrains, les communes peuvent également instaurer des servitudes d’emplacements réservés, en vue de la réalisation, dans le respect des objectifs de mixité sociale, de programmes de logements.
Elles peuvent également délimiter des secteurs dans lesquels, elles imposent aux programmes de logements de comprendre un pourcentage affecté à des logements sociaux. Par exemple, Lille Métropole, la communauté urbaine de Lille, oblige les programmes de plus de 17 logements, ou au moins 1200 m² de SHON, à comporter 30 % de logements sociaux. Ce mécanisme présente l’avantage de garantir une réelle mixité sociale, au sein même de chaque opération. Les promoteurs privés ont désormais l’habitude de monter leurs opérations avec un partenaire bailleur social.

Des avantages fiscaux

Dans un cadre plus financier, les communes peuvent décider d’accorder aux projets de construction de logements sociaux des conditions fiscales préférentielles. Certains types de logements sociaux bénéficient d’une exonération de plein droit de la taxe d’aménagement (logements bénéficiant d’un financement par un prêt aidé, type PLAI). Les communes peuvent décider d’exonérer également les logements sociaux bénéficiant de prêts aidés hors PLAI (PLUS, PLS, PSLA) [1], lesquels bénéficient, à défaut, d’un abattement de 50 % sur l’assiette de la taxe. Pour alléger la charge financière, les logements sociaux sont également exonérés du paiement de la taxe foncière sur les propriétés bâties durant quinze ans.
Par ailleurs, les communes soumises au prélèvement pour insuffisance de logements sociaux peuvent déduire des sommes versées à l’Etat certaines dépenses exposées pour la réalisation de logements sociaux.

Les ventes au rabais

Pour résoudre l’équation financière rendue impossible par le prix du foncier de certaines zones urbaines, les communes disposent également d’un levier si elles possèdent des terrains. Elles peuvent, en effet, céder des terrains de leur domaine privé à des bailleurs sociaux, gratuitement, à l’euro symbolique, à prix coûtant, ou même simplement au rabais.

En principe, les aides apportées par les communes aux entreprises sont encadrées et globalement interdites par le Code général des collectivités territoriales, mais le Code de la construction et de l’habitation prévoit une exception pour leur permettre d’aider les Entreprises sociales pour l’habitat (ESH, nouveau nom des SA d’HLM). Le droit communautaire considère qu’il n’y a pas de distorsion de concurrence, dès lors que les entreprises de logement social sont considérées comme exerçant une mission de service d’intérêt économique général et que l’avantage qui leur est octroyé vise à compenser leur mission de service public. En outre, ce type d’aide à la maîtrise foncière est encadré par quelques règles qui visent à protéger les deniers des collectivités et s’assurer que l’effort consenti par la commune vaut le coup.

Plutôt qu’une vente à prix bradé, certaines communes préfèrent la technique du bail emphytéotique (bail de longue durée) qui permet de mettre à disposition d’un bailleur social, gratuitement ou tout au moins à un prix réduit, un terrain, dont elles restent propriétaires et dont elles récupèreront la jouissance dans quelques dizaines d’années, après avoir empoché des loyers. Céder un terrain ou accorder un bail emphytéotique peut s’opérer sans mise en concurrence.

Cependant, certaines communes recourent à la technique des appels à projets, qui donne l’impression d’une plus grande transparence et permet d’espérer que l’émulation entre les candidats débouchera sur un projet de meilleure qualité. Que la commune ait fait le choix d’un appel à projets ou pas, dès qu’elle définit préalablement et avec précision le projet qu’elle attend, elle encourt un risque juridique. En effet, il est légitime qu’elle assortisse la vente du terrain de conditions pour s’assurer que l’acquéreur réalisera un projet conforme à ses attentes. Cependant, ce type de vente peut être assimilé à une commande de travaux (un marché public, ou une concession de travaux publics), et tombe alors sous le coup d’une législation extrêmement stricte. Plusieurs cas ont déjà été jugés en ce sens. Les communes encourent une annulation de la vente et surtout les élus et les représentants de l’acquéreur des sanctions pénales. La plus grande vigilance s’impose donc dans ce type d’opération.

Si les communes ne veulent pas s’impliquer dans la fourniture du terrain, le Code de la construction et de l’habitation leur permet au moins d’accorder une subvention, un prêt ou une garantie d’emprunt aux ESH.
Enfin, en contrepartie d’un apport de terrain, elles peuvent conclure des conventions de réservation à leur profit avec l’organisme HLM.

La maîtrise foncière facilitée

Lorsqu’elles ne disposent pas de terrains, les communes peuvent recourir à l’expropriation pour les acquérir en vue d’y réaliser des logements sociaux, sous réserve notamment qu’elles ne disposent pas, par ailleurs, de terrains permettant de réaliser le projet.
De manière moins contraignante, la commune peut également exercer son droit de préemption urbain à l’occasion des ventes de terrains. Elle va alors se substituer à l’acquéreur d’un terrain, avec cependant la faculté de proposer un prix de vente inférieur. Les conditions d’exercice de ce droit sont nettement facilitées lorsque l’acquisition vise à réaliser des logements sociaux.

Cette énumération, non exhaustive, traduit la volonté des différents gouvernements de développer l’offre de logements sociaux. Chacun conviendra certainement de la nécessité de favoriser la mixité sociale. Cependant, il faut garder à l’esprit que ces mesures ont un coût que les promoteurs répercutent naturellement sur le prix de vente des logements commercialisés ou qui sont pris en charge par les collectivités locales sur leur budget et la fiscalité. In fine ce sont donc les acquéreurs de logements, les propriétaires de terrains ou les contribuables qui financent en grande partie le logement social.

[1PLAI : prêt locatif aidé d’intégration ; PLUS : prêt locatif à usage social ; PLS : prêt locatif social ; PSLA : prêt social location-accession

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