PME : des simplifications

PME : des simplifications administratives à l’horizon (lointain)

  • le 4 mai 2011

Coffre-fort numérique, simplification de la fiche de paie…Frédéric Lefebvre a multiplié les annonces de simplification de l’administration vis-à-vis des PME, le 29 avril à Bercy. Les procédures dématérialisées devraient se multiplier. Mais les chantiers préalables sont importants.

La mise en place du « coffre-fort électronique » pour les entreprises : à plusieurs titres, c’est peut être la plus emblématique des 80 mesures de simplifications administratives pour les PME, annoncées par Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État chargé du Commerce, de l’Artisanat, et des PME, le 29 avril, à Bercy, lors des assises de la simplification pour les PME.

Il s’agit d’une infrastructure informatique, dans laquelle les entreprises vont déposer les données les concernant, et où les administrations autorisées iront se fournir directement. Le but : éviter aux chefs d’entreprise de redonner plusieurs fois la même information à des administrations différentes. Emblématique pour son caractère numérique, cette mesure l’est aussi pour l’ampleur des chantiers qu’elle implique. Si Bercy prévoit « un démonstrateur » du coffre-fort pour la fin de l’année, en parallèle, une vaste tâche devra être menée à bien. Il s’agit, en effet, d’homogénéiser les définitions utilisées par les différents organismes publics, à commencer par la notion « d’effectifs » dans les PME. Or, là, la rédaction de « dictionnaires de données » devrait prendre de 18 à 24 mois, toujours d’après Bercy.

Autre projet qui devrait mettre du temps à être réalisé : une « déclaration sociale unique, nominative, mensuelle, dématérialisée et effectuée automatiquement lors de l’élaboration de la paie », destinée à synthétiser les différentes déclarations sociales effectuées par les employeurs tout au long de l’année.

Numérique à l’horizon

D’autres mesures, parmi celles destinées à simplifier les relations entre les entreprises et l’Etat, pourraient voir le jour plus tôt. Dès cet été, l’annonce de l’entrée en vigueur des textes règlementaires qui s’appliquent aux entreprises devrait être regroupée autour de quelques dates. Plus besoin, donc, pour les chefs d’entreprises, de garder l’œil rivé au Journal Officiel. Par ailleurs, le type de déclaration que les entreprises peuvent effectuer de manière dématérialisée devrait se multiplier. Au programme : la transmission de la déclaration foncière pour les sociétés civiles immobilières (SCI), la télédéclaration et le télépaiement de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et le télépaiement de l’impôt sur les sociétés et de la taxe sur les salaires.

Un « code d’accès unique » devrait être créé, pour permettre aux entreprises de ne s’identifier et s’authentifier qu’une seule fois auprès des différents organismes. Bref, au chapitre de la simplification, le développement de l’administration électronique se taille la part belle. Et, de fait, la numérisation des données permet potentiellement un partage d’informations accru entre les administrations, et, en conséquence, une simplification des procédures pour les entreprises.

Mais d’autres types de simplification sont également au programme, concernant l’application du droit. Ainsi, le bulletin de paie d’un cadre pourrait perdre jusqu’à la moitié de ses lignes – après concertation avec les partenaires sociaux - , et plusieurs déclarations devraient être simplifiées dont celle pour la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, ou la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises. Dernier volet, l’accès aux marchés publics devrait également être simplifié.

Enquête dans les entreprises

Avec ces premières mesures, « c’est un milliard d’euros qui est rendu au monde économique, d’après les évaluations de Ernst and Young » a soutenu Frédéric Lefebvre. Au total, a-t-il rappelé, les contraintes administratives, « d’après l’OCDE, pèsent 3 à 4% du PIB » .

C’est dans le cadre de la RGPP, Réforme générale des politiques publiques, qui vise à alléger l’appareil d’Etat, que le secrétaire d’Etat a engagé cette démarche. Trois mois durant, des « correspondants PME » dans les départements, des cadres des Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE), se sont rendus dans des entreprises pour s’entretenir avec, au total, quelques 500 chefs d’entreprises de différente taille et statut. Objectif : comprendre leurs problèmes et recueillir leurs propositions, et même effectuer des stages d’une à quelques journées « en immersion » dans l’entreprise, pour mieux cerner les usages.

Au total, d’après les données compilées par Bercy et présentées le 29 avril, 90% des chefs d’entreprise interrogés estiment que la charge administrative est une contrainte sur le plan financier et humain. Les difficultés qu’ils citent vont de la plus basique, comme le fait de recevoir des formulaires qui ne soient pas au format A4, ou trop complexes à remplir, au manque d’information sur la règlementation, et les difficultés pour se tenir au courant.

En Aquitaine comme en Ile-de-France, par exemple, les chefs d’entreprise ont regretté de devoir redonner à plusieurs organismes différents des mêmes informations, ou encore, de devoir renseigner à chaque fois des champs de formulaires concernant des données basiques sur l’entreprise, que l’administration détient déjà.

Le défi de la mise en place

Pourtant, les relations entre les entreprises se sont déjà améliorées, se sont accordés à dire différents représentants du monde de l’entreprise, réunis pour une table ronde « simplifier la vie au quotidien des entrepreneurs », qui s’est tenue lors de la journée du 29. Avec la mise en place de la médiation du crédit « cela a changé la relation » a admis Jean-François Roubaud, président de la CGPME, Confédération générale des PME. Même son de cloche chez Agnès Bricard, présidente du Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables, qui évoque une « sérénité relative ». Néanmoins, paradoxalement, « plus l’entreprise est petite, plus les problèmes sont immenses » a souligné à plusieurs reprises Jean Lardin, président de l’UPA, l’Union professionnelle artisanale.

Globalement, les préoccupations soulignées par les intervenants devraient trouver réponse dans les propositions faites par Frédéric Lefebvre. Ainsi, Elisabeth Humbert Bottin, directrice générale du Groupement d’intérêt public (GIP) « modernisation des données sociales », a évoqué la nécessité de « partir de la vision de l’entrepreneur », et celle d’élaborer un socle de définitions communes à toutes les administrations. Tous ont souligné l’impact potentiel de solutions numériques, qui permettent d’éviter de dupliquer les transmissions de données. Avec quelques nuances, toutefois. « Il faut que cela ne coûte pas plus cher à l’entreprise » a mis en garde Jean-François Roubaud.

Quant au coffre-fort électronique, il est bien parti pour faire couler beaucoup d’encre. Elisabeth Humbert Bottin alerte : « c’est une notion difficile à définir ». Et la directrice du GIP « modernisation des données sociales », d’insister sur la nécessité préalable de normer les définitions et d’assurer l’interopérabilité entre les systèmes d’information des administrations. Sous peine de mettre en place une machine à gaz.

Par Anne DAUBREE

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