Alerte orange à la pituite

Alerte orange à la pituite rose

Savez-vous ce qu’est le pink slime  ? Si vous l’ignorez, ce blog du Monde vous en dira davantage. Mais si vous n’avez pas encore pris votre petit-déjeuner, ne poursuivez pas la lecture : vous pourriez en perdre l’appétit. Non, il ne s’agit pas d’une maladie honteuse – enfin, pas vraiment –, bien que la traduction littérale soit pituite rose. Beurk. Il s’agit en fait d’un aliment typiquement américain, produit en quantité industrielle et résultant du broyat des chutes de découpe, des abats, rogatons, masses graisseuses, tripaille et autres cojones du bœuf, autant de déchets que l’on affecte d’ordinaire à la confection de la pitance pour les chiens. Après passage à l’ammoniac pour une désinfection salutaire, il en résulte une pâte ayant la consistance et la couleur du Malabar (le chewing-gum), utilisée telle quelle en boulettes frites (genre fricadelles, cette horreur belge que seuls les autochtones peuvent consommer sans régurgiter), ou en additif du plat favori de l’Américain moyen : le hamburger. Dès lors que les éléments entrant dans sa composition sont puissamment désinfectés, le pink slime est agréé par les autorités sanitaires. Notez que la pituite alimentaire est beaucoup moins chère que la roupie de sansonnet, ce pourquoi les cantines scolaires du pays l’achètent par milliers de tonnes chaque année. De quoi éduquer des cohortes de jeunes Yankees au raffinement gastronomique et à l’apprentissage précoce de l’obésité.

Seulement voilà : dans une tirade télévisée à la Jean-Pierre Coffe, le très cathodique chef Jamie Oliver a conspué le produit et dénoncé l’empoisonnement délibéré de tous les mouflets. L’affaire a soulevé un légitime tsunami d’indignation, dans une population justement réputée pour son obsession de la diététique (on se moque, bien sûr). Le résultat ne s’est pas fait attendre : les grandes chaînes de hamburger ont dû renoncer au pink slime dans leurs big-machins estampillés « pur bœuf ». Les cantines ont dû revoir leurs menus en conséquence et les industriels de cette pâte à engraisser ont mis leurs malaxeurs en congé. Provisoirement, disent-ils, le temps que l’innocuité de leur produit soit démontrée. De la part des Américains, rien de ce qu’ils mangent ne peut nous étonner. Ni rien qui permette de recycler avec profit ce qui normalement est promis à la déchetterie. Mais dans un pays qui détient la pole position du gaspillage, notamment des denrées alimentaires, il est permis de s’étonner que l’on s’adonne à des pratiques aussi sulfureuses pour la santé publique, au motif d’économiser quelques cents sur le prix, déjà modeste, d’un steak haché. Voilà sans doute un dommage collatéral du pragmatisme tant vanté des Américains, qui pourrait être corrigé par la croisade d’un cuistot… anglais. Sacré Jamie : il va déshabiller les roublards du lard, The Naked Chef.

La recette du jour

Déchets en pâtée

Vous êtes pragmatique et fier de l’être. Et vous êtes atterré par la quantité de déchets alimentaires que vous produisez. Ne les jetez plus à la poubelle mais dans votre robot ménager. Appelez pituite verte, ou rose, ou brune, selon le cas, la pâte qui en résultera, et servez-la en friture à votre progéniture. Si vous affrontez la révolte et que la DAS est alertée, renoncez à votre pâtée. Et cuisinez des ortolans, pour vous faire pardonner céans.

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