B 787 et sauce gribiche

B 787 et sauce gribiche

Le métier d’un avionneur, c’est de concevoir et de construire des avions. Un sacré job, qui mobilise des bureaux d’études pléthoriques et la maîtrise d’innombrables spécialités industrielles. Au vu des impératifs de coût, de performance, de confort et de sécurité, un avion de ligne est un concentré de complexité. Pas étonnant que les avionneurs soient beaucoup moins nombreux que les bistroquets. Avec le lancement de son 787 « de rêve », Boeing a expérimenté simultanément de nouvelles technologies et un nouveau mode de construction. Dans lequel la fabrication des différentes parties de l’appareil (à hauteur de 70%) est confiée à des sous-traitants, en vertu des bienfaits supposés de l’externalisation et de la division internationale du travail. Et pour des raisons non avouées, mais décisives, de prix de revient : la concurrence sur de gros marchés permet d’étriller les fournisseurs. L’ennui, avec des pièces qui viennent des quatre coins du monde, c’est la multiplication exponentielle des risques : aléas de livraison, conformité des différentes pièces et… compatibilité des modules du Lego volant. Un simple court-jus dans la chasse d’eau et c’est tout le zinc qui se dézingue. Pour assembler un avion, mieux vaut que la main droite sache ce que fait la main gauche. En foi de quoi le Dreamliner sera sans doute un appareil remarquable quand il pourra voler sans danger. C’est-à-dire quand il aura réussi l’émulsion de ses divers composants.

C’est le même problème avec la sauce gribiche. Oui, celle qui accompagne traditionnellement la tête de veau. Le sujet est d’actualité en ce 21 janvier, jour anniversaire de la décollation de Louis XVI, que les nostalgiques de la guillotine célèbrent devant une tête de veau, servie entière avec du persil dans les oreilles. Laissons de côté le goût douteux d’une telle cérémonie pour se concentrer sur la sauce. Tous les cuisiniers de la création prescrivent de monter une gribiche comme une mayonnaise, mais avec du jaune d’œuf cuit. L’opération relève de la prouesse technologique – ce pourquoi vous avez renoncé à la servir : dès que vous avez ajouté échalote bretonne, fines herbes espagnoles, câpres italiennes et autres cornichons russes, votre sauce tourne avant d’arriver à la salle-à-manger. Rassurez-vous : tout le monde est confronté à l’instabilité de la préparation, même les grands chefs. Alors faites comme eux : montez une bonne vieille mayonnaise et rajoutez-y en catimini les jaunes cuits. Vos commensaux n’y verront que du feu et vous serez promu roi de la gribiche sans risquer la guillotine.

La recette du jour

Tête à la 1793

Vous êtes un descendant de sans-culotte et vous aimez honorer la mémoire de votre aïeul. Soit. Capturez un veau à Varennes et chargez-le de tous les péchés aristocratiques de la création. Il sera condamné à la décapitation. Cuisez alors sa tête et servez-la le 21 janvier. Votre taux de cholestérol en prendra un coup et ce sera bien fait pour vous.

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