Buffett à la tomate

Buffett à la tomate

C’est une vraie légende, Warren Buffett. Un investisseur dont les performances n’ont pas d’équivalent dans le paysage de la finance : pas moins de 20% par an en moyenne, et ce depuis plus d’un demi-siècle. L’aura du « Sage d’Omaha » est d’autant plus remarquable qu’il présente un profil de milliardaire tout-à-fait atypique dans la mythologie de la réussite à l’américaine : il vit dans la même maison banale du Nebraska, acquise en 1957 – Omaha est aux States ce que Guéret est à la France ; il s’attribue un salaire de cadre moyen et change de voiture tous les quinze ans ; ses (rares) déjeuners en ville consistent en un hamburger arrosé de soda à la cerise (beurk) et ses (rares) loisirs consistent en parties de bridge – avec Bill Gates comme partenaire, tout de même. Il investit avec un esprit de maquignon : dans des affaires qui ont un pedigree solide, des éleveurs opiniâtres et parcimonieux. Pas dans les new tech ni les dot.com. Il ne met son argent que dans les affaires susceptibles de lui survivre longtemps, avec des profits récurrents. Et vertu suprême : il est patient. La preuve : à 82 ans, il n’a pas encore fait valoir ses droits à la retraite.

Gérer « à la Buffet », c’est se cantonner aux métiers indispensables à la vie américaine, sur des marques de renom : la grande distribution (Wal-Mart), le soda (Coca-Cola), la lessive (Procter&Gamble) ; l’électronique (IBM) et la finance (Amex, Wells Fargo). Il manquait donc à Warren un fleuron de l’american way of life, un accessoire indispensable au quotidien du Yankee : le ketchup Heinz. C’est désormais chose faite : il a fait main basse sur la firme pour la bagatelle de 28 milliards de dollars. Né voilà 140 ans, ce condiment d’une simplicité biblique a conquis la planète et continue d’écraser ses innombrables concurrents. Le phénomène est d’autant plus bluffant que ledit ketchup est un produit complètement naturel : pas d’additifs, pas de conservateurs ni de colorants. De la tomate, du vinaigre, du sucre et une pincée de sel. Plus quelques épices indécelables qui font le succès de la recette. Il y a matière à être médusé par les sauciers de Heinz, qui affirment n’utiliser que 132g de tomates pour faire 100g de leur ketchup. Votre serviteur a souvent tenté de les copier, et il lui faut plutôt 600g de fruits pour obtenir un résultat voisin – et moins savoureux. Si bien qu’une interrogation nous taraude ce matin : on se demande si Heinz n’utilise pas comme épaississant du collagène chevalin. Pour en avoir le cœur net, on va passer un coup de fil à Warren. Et on vous tiendra au courant. Au triple galop.

La recette du jour

Eloge de la simplicité

Vous cherchez depuis longtemps à mettre au point un condiment qui connaisse un succès planétaire. Renoncez à la chimie alimentaire qui n’a plus la cote. Retrouvez la simplicité de Heinz avec son ketchup ou de Mc Ilhenny avec son Tabasco : un fruit ou un légume, du vinaigre et du sucre. Et dans 140 ans, vous vendrez votre affaire à Warren Buffet.

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