Chère concurrence

Chère concurrence

Combien coûte la pension annuelle d’un animal de compagnie ? Ne cherchez pas : vous n’en savez strictement rien, sauf à être éleveur professionnel de chiens, de chats ou de tortues ninja. Notre pays compterait environ 8 millions de chiens et 10 millions de chats, ce qui fait un sacré paquet de rations quotidiennes. Et donc un tonnage spectaculaire d’aliments secs, les fameuses croquettes qui constitueraient l’optimum alimentaire des animaux domestiques. Telle est du moins la version communément admise ; on ne jurerait pas qu’elle est scientifiquement irréprochable, mais une chose est certaine : tout le monde préfère ouvrir un sac de croquettes que de cuisiner spécifiquement pour ses fidèles compagnons. Entouré depuis des lustres par des félins moins sauvages que la concierge, votre serviteur vient de découvrir, à sa grande honte, qu’il ignore superbement le prix des croquettes préférées de ses matous, élaborées par une célèbre firme suisse et spécialement allégées pour convenir à des chats d’intérieur. Qualité « premium », s’il vous plaît : on ne plaisante pas avec la diététique.

Au terme d’une longue enquête, l’Autorité de la concurrence vient d’allumer les trois principaux fabricants d’aliments secs, qui à eux seuls représentent 70% du marché. Ensemble, ils ont écopé de plus de 35 millions d’euros d’amendes, pour avoir restreint la concurrence dans la distribution spécialisée des produits haut-de-gamme, ceux qui laissent les marges les plus grasses. Le consommateur aurait ainsi été pénalisé, nous dit l’Autorité. Sans vouloir critiquer les industriels concernés, qui ont vocation à exploiter un bon filon, ni les limiers de la concurrence, qui doivent bien justifier leurs émoluments, on craint que les uns et les autres n’aient fait une mauvaise pioche. Car s’agissant de ses chers animaux, le consommateur est indifférent aux vertus supposées de la concurrence. Ou plus exactement, il préfère acheter les produits les plus chers, car sensés être les meilleurs. L’amour rend aveugle aux prix, c’est bien connu. En foi de quoi les fabricants auraient été mieux inspirés de promouvoir des croquettes facturées au prix du beluga, qui leur eussent procuré des bénéfices encore plus plantureux, plutôt que de se hasarder à un dévoiement mesquin (et coûteux) des règles de la concurrence. Ils ont ainsi agi dans leur business comme les propagandistes sur le terrain politique, eux dont Jacques Bainville prétendait que leur « grande erreur, c’est de vouloir compromettre ceux qui ne les combattent pas  ». S’il vous plaît, Madame l’Autorité, que l’on nous rende nos croquettes hors de prix. Car l’affection de nos chats pourrait se ressentir de notre soudaine mesquinerie.

La recette du jour

Le Michelin pour chiens

Vous êtes entouré de chiens, de chats, de canaris et de poissons rouges. Vos enfants ne peuvent s’endormir sans leur hamster, ni belle-maman sans son cobra. Renoncez à l’achat d’aliments industriels, mettez-vous aux fourneaux et vendez vos excédents. Devenez le Paul Bocuse des animaux domestiques. Si la concurrence s’installe, augmentez vos prix. Vous deviendrez riche et l’Autorité vous respectera.

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