Cicéron et le tweet

Cicéron et le tweet

O tempora, o mores ! déclamait Cicéron, voilà maintenant un peu plus de 2000 ans. Il aimait vaticiner, Marcus Tellius Cicero, mais il ne manquait pas de bonnes raisons, vu la chienlit qu’était de son temps la vie publique. Et le trouble incessant que causait le maudit Catilina, grand semeur de zizanie devant l’Eternel, comploteur pathologique, conspirateur impénitent et trousseur de jupons compulsif - bien qu’il n’eût pas l’occasion de diriger le FMI. Double langage, mensonges, trahisons et plus si manque d’affinités, telles étaient les mœurs ordinaires des temps catilinaires. Quousque tandem abutere (…) ? Jusqu’à quand, demandait Cicéron, jusqu’à quand vas-tu abuser de notre patience ? Bonne question, Marcus : car Catilina a fait d’innombrables descendants, qui nous pourrissent la vie avec autant de brio que leur aïeul putatif. Aujourd’hui que les moyens de communication sont nombreux et sophistiqués, aucune déclaration ne peut être à coup sûr créditée d’authenticité. Car il est apparemment possible à quiconque de faire son bernard-l’hermite dans votre profil facebook ou d’émettre des tweets frelatés depuis votre compte piraté. Les personnages publics apparaissant à la télé sont-ils l’original ou un avatar non autorisé ? La question mérite d’être posée, même si leur discours ne présente ordinairement aucun intérêt.

Lorsque paraît l’annonce d’une agence de notation dégradant brutalement l’Espagne, par exemple, allez donc savoir si c’est du lard ou du cochon, si le tweet est sérieux, s’il s’agit d’une contrefaçon ou d’un canular. Apparemment, cela n’a pas d’importance : tout continue d’aller aussi mal qu’avant, mais chacun feint de maîtriser la situation et ignore l’information. Convenons, au cas d’espèce, que le quotidien réel ne souffrira pas de cette sérénité virtuelle. Il en va autrement de l’information probablement édulcorée, concernant des régions du monde sujettes à concupiscence. Généralement pour des motifs épiciers. Après l’Iraq, l’Egypte, la Tunisie et la Libye, autant de pays « libérés » de leurs chaînes par les vertueux démocrates occidentaux, et dont les populations nagent désormais dans le bonheur, la machine médiatique s’emballe sur la Syrie. Sans s’épargner l’outrance ni le ridicule, au point de valider la mise en garde du Réseau Voltaire, sur une démarche complotiste visant à favoriser, par une propagande massive, la chute du régime syrien que les Américains ne peuvent raisonnablement provoquer par la voie des armes. Nous vivons des temps bien cicéroniens, dans lesquels les évidences sont trompeuses et le confusionnisme tellement enraciné que les manipulateurs eux-mêmes s’emmêlent les ripatons dans les fils de leurs conspirations.

La recette du jour

Thérapie catilinaire

Vous tentez sans succès de donner du sens au monde qui vous entoure. Ne cherchez pas à démêler le fil du confusionnisme ambiant. Relisez plutôt les Catilinaires pour remettre à jour votre pratique de la version latine. Vous constaterez que Cicéron ne comprenait pas mieux que vous la vie de ses contemporains. Mais son style, par Jupiter, quelle classe !

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