Compétitivité supersonique

Compétitivité supersonique

Pour sûr, il faut avoir l’estomac bien accroché, et le reste aussi, pour se hisser aux confins de l’atmosphère et se jeter dans le vide. Jusqu’à dépasser la vitesse du son, avant d’atterrir mollement sur le plancher des vaches, sans avoir abandonné en route une partie de son anatomie. C’est gonflé. A quoi sert un tel exploit ? D’abord à satisfaire l’obsession de l’Autrichien pour les entreprises téméraires et à le gratifier d’une place de choix dans le Guiness des Records, entre le plus gros mangeur de saucisses du monde et celui qui s’est fait broder la tête de 453 piercings. Eux aussi ont franchi le mur du çon, cette limite intellectuelle étalonnée par les cliniciens du Canard enchaîné. Mais la chute libre de Baumgartner devrait également faire remonter la notoriété de son sponsor, le déjà célèbre fabricant de boissons énergisantes. Et accessoirement démontrer que l’être humain est capable d’endurer les épreuves les plus vainement traumatisantes, sans nécessairement y laisser la peau. Pour peu qu’il soit correctement préparé, bien entendu.

L’événement apporte une contribution significative au débat qui déchire la société française. Celui relatif à la compétitivité, cet idéal des temps modernes que nous devons cultiver pour atteindre le nirvana. Le Gouvernement et le Medef sont tous deux d’accord pour l’adoption de cet art de vivre. Mais ils se disputent sur les moyens d’en imposer le culte. Les autorités publiques sont favorables à une « trajectoire de compétitivité », une sorte de procession pépère vers l’ascèse, au cours de laquelle les populations auront le temps de s’accoutumer au vertige de la descente. Le Medef défend un « choc de compétitivité », consistant à alléger derechef la charge du ballon-entreprise et à alourdir le boulet fiscal des consommateurs. Ainsi, la chute plus rapide de ceux-ci permettra à la prospérité de celui-là d’aller plus haut, selon le premier principe de la thermodynamique sociale. L’ennui de cette approche scientifique, c’est que les expérimentations sur la quête de compétitivité, passées ou en cours, ne sont pas totalement probantes. Il s’avère en particulier que les citoyens peu enclins à la parcimonie résistent mal au franchissement du mur du son, et se crashent lamentablement avant d’avoir atteint le paradis. La question est donc de savoir si les Français sont suffisamment entraînés pour résister au grand saut dans la compétitivité supersonique. Entre nous, ce n’est pas certain.

La recette du jour

Programme d’entraînement

Vous connaissez les vertus indépassables de la préparation avant toute compétition. Echauffez-vous sans tarder pour le grand marathon d’ascèse qui se profile. Entraînez-vous à sauter directement du petit-déjeuner au dîner, puis essayez de squeezer le dîner. Ce n’est pas gagné d’avance. Mais si vous n’y parvenez pas, adhérez au Medef.

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