Cucumis sativus et (...)

Cucumis sativus et parité

Bronca au Parlement européen. On n’avait pas connu une telle effervescence depuis longtemps. La dernière fois, la Commission avait déclenché l’émeute avec une disposition capitale pour l’avenir de l’Union : le calibre réglementaire du cucumis sativus, autrement appelé concombre commun. Le texte fut finalement adopté sans amendement, ce qui vous permet aujourd’hui de faire les courses sans trimballer votre pied à coulisse : les concombres ont désormais exactement la même taille à l’étal du maraîcher. Un exploit inaccessible aux jardiniers amateurs, pour une raison très simple : ils sèment une espèce désuète, autrefois dessinée par le botaniste Nikita Mandryka : le concombre masqué. Un légume philosophe qui n’en fait qu’à sa tête, se balade avec une araignée au plafond et déteste par dessus tout l’uniformité. Ce pourquoi son commerce est rigoureusement prohibé dans nos contrées. Mais venons-en au fait du jour, qui revêt un caractère révolutionnaire au Parlement de Strasbourg : pour la première fois de leur histoire, les députés ferraillent en faveur de la diversité.

Quel est le problème ? C’est la Banque centrale européenne. Oh non, rassurez-vous : nos élus n’entendent pas lui dicter sa politique monétaire. D’abord parce que l’Institution est indépendante, figurez-vous, et ensuite parce nos heureux euroélus n’entendent rien à ces questions techniques. Le problème, c’est la parité. Avec l’échéance récente du mandat de l’Autrichienne Gertrude Tumpel-Gugerell, le Directoire de la BCE ne compte désormais plus une seule femme. Pire : savez-vous qui est susceptible de remplacer Gertrude ? L’éminent Yves Mersch, actuel gouverneur de la Banque centrale luxembourgeoise. Un homme, donc, comme en témoigne sa mâle moustache. Voilà pourquoi une eurodéputée a prestement dénoncé cette nomination comme attentatoire au « principe de l’égalité des sexes », un argument plutôt spécieux mais qui a convaincu ses collègues hommes, femmes, enfants et femmes-enfants. Résultat : l’audition de Mersch par l’organe ad hoc a été purement et simplement annulée. Au moment où la Commission européenne entend renforcer la féminisation du conseil d’administration des entreprises (objectif : 40% de ?), la misogynie de la BCE fait tache dans le tableau. Et pas seulement au Parlement, avouons-le. On pourra toujours arguer qu’une touche de féminité serait bienvenue dans les sphères barbares de la haute finance. Ce n’est pourtant pas évident. Observez les rares femmes qui dirigent de grandes firmes financières : elles se montrent plus inflexibles encore que le bourreau de Béthune. Un constat familier au concombre masqué : il sait bien, lui, que la gent masculine se distingue par sa lâcheté.

La recette du jour

Le concombre démasqué

Vous ne savez pas quoi inventer pour faire semblant d’être occupé. Dénoncez votre voisin qui cultive impunément des concombres non conformes au calibre réglementaire. Si votre voisin n’a pas de potager, faites vous élire au Parlement européen : vous ne manquerez pas de sujets futiles pour occuper l’espace médiatique.

[Le billettiste s’absente pour quelque temps, afin de mettre sa plomberie en conformité avec les normes européennes de santé publique, tant que dame Sécu accepte de subventionner les travaux.]

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