Défense du "h" aspiré

Défense du "h" aspiré

On ne voudrait pas se montrer exagérément scrogneugneu en matière de grammaire, par crainte de se faire taxer de vieux schnoque. Ou d’immigré : en effet, il semble que les multiples finasseries du français n’intéressent plus que les praticiens dont ce n’est pas la langue maternelle. Les autres n’hésitent pas à dilapider leur patrimoine avec une légèreté qui frise l’inconséquence. Résultat : à laisser s’appauvrir sa langue, notre pays se retrouve sur la paille. C’est malin. Voilà qui justifie pleinement la croisade de notre ministre de l’Education en faveur de l’enseignement primaire, une étape décisive pour pratiquer la langue sans trop l’esbigner. Il faut supposer que de nombreux rédacteurs de la presse en ligne ont feignassé sur les bancs de la communale : ils s’assoient sur les règles élémentaires de la grammaire et négligent le concours salutaire de Littré et de Grevisse.

Par exemple, on relève ce matin dans Le Figaro ce titre qui écorche l’oreille : « La première journée d’Hollande en Algérie ». Ce journal n’est pas le premier, ni le seul, à ignorer le traitement ordinaire du « h » aspiré, qui interdit l’élision. La première journée de Hollande, s’il vous plaît. On s’étonne que l’Elysée n’ait pas traîné devant les tribunaux les journalistes mal inspirés, qui créditent le Président d’un infâmant « h » muet. Une atteinte intolérable à la dignité du Chef de l’Etat. Si les mêmes avaient titré dans un journal algérien : « La réception d’Bouteflika », ils se seraient retrouvés au trou avant la distribution de la première édition. Emile Littré, lui, privilégiait la dignité de la langue à celle de sa propre personne. La légende en apporte cette preuve irréfutable : un jour qu’il infligeait à sa bonniche des travaux ancillaires sans rapport avec la grammaire, si vous voyez ce que l’on veut dire, son épouse poussa malencontreusement la porte de son bureau. « Oh ! Monsieur, vous me surprenez » s’exclama-t-elle, pétrifiée par l’incongruité de la situation. « Non Madame », répliqua aussitôt Emile, « c’est moi qui suis surpris. Vous, vous êtes étonnée ». Voilà le témoignage pénétrant d’un grand homme, qui sut placer la morale grammaticale au-dessus de la ceinture. Un exemple à méditer pour les journalistes contemporains, qui auraient avantage à besogner leur texte pour surmonter le handicap du « h » aspiré, et ainsi éviter la honte du héleur de harengères, qui élide ou élude le hollande sur le hamburger de poisson.

La recette du jour

Elision sur un plateau

Votre maîtrise du « h » muet ou aspiré est entravée par votre haine des règles grammaticales. Si bien que vous ignorez s’il faut ou non élider le Président de la République. Contournez la difficulté en l’éludant de vos conversations. Vos amis vous en seront reconnaissants et ils vous épargneront le hollande sur le plateau à fromages : il existe d’autres pâtes qui sont tout aussi molles, et qui ont tout aussi peu de goût.

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