Dexia en suppo

Dexia en suppo

Les Belges regardent trop la télévision : ils sont complètement imprégnés des séries policières américaines. Au point d’être fascinés par ce dispositif tellement yankee que l’on appelle programme de protection des témoins. Non qu’ils aient introduit dans la loi la possibilité, pour l’ordre judiciaire, d’inventer une identité et un passé à tout malandrin repenti qui accepte de balancer des plus gros poissons que lui. Ses indiscrétions le condamnent alors à être traqué toute sa vie : dans le milieu professionnel de la grande truanderie, cafter les petits copains est considéré comme très vulgaire. Et cette corporation est la seule qui s’honore d’observer encore les conventions de la politesse, dans une société minée par les « incivilités ». Votez Al Capone et les messieurs offriront aux dames leur place dans le métro, au lieu de chouraver leur sac à main en proférant des propos injurieux. En fait, les Belges ont transposé le mécanisme américain au monde des affaires et tout particulièrement à celui de la finance, qui est, comme chacun sait, un havre de courtoisie, d’honnêteté et de probité. On doit le scénario aux sicaires de la publicité, ces contractuels sans états d’âme habitués à exécuter une réalité trop dérangeante.

La version qui en résulte pourrait s’appeler programme de liquidation des témoins. Elle concerne une ex-grande banque franco-belgo-luxembourgeoise, déstabilisée par des deals foireux qui l’ont mise sur la paille. Elle ne doit sa survie qu’à la sollicitude de ses parrains gouvernementaux, qui ont dû détrousser le pékin pour la sauver de la guillotine. Il s’agit maintenant d’effacer un passé encombrant. Pas en mettant à l’ombre les responsables du désastre : au contraire, ils ont été remerciés avec de confortables indemnités. Dans la finance, c’est comme dans la diplomatie : on cultive les bonnes manières. La solution a été d’accorder à Dexia une nouvelle identité : en Belgique, la banque s’appellera Belfius. Sans vouloir médire sur les talents des publicitaires, ce nouveau nom ressemble à celui d’un suppositoire. A croire que dans leur subconscient, les services de l’état-civil ont voulu faire comprendre au contribuable qu’il pouvait s’asseoir sur le passé visqueux de la nouvelle banque. Un message subliminal adressé au citoyen : quand sa banque est malade, c’est lui qui prend la potion. Tel est en quelque sorte le fondement de la médecine financière moderne, si l’on ose dire.

La recette du jour

My tailor is rich

Vous ne pouvez pas traverser la rue sans que l’un de vos créanciers change de trottoir. C’est agaçant d’être mis à l’écart et ça nuit à votre crédit. Du passé faites table rase, le monde changera de base : faites-vous tailler les habits neufs d’une nouvelle identité. Choisissez le nom d’un suppositoire : aucun de vos prêteurs n’osera plus vous tourner le dos.

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