Du big-bang au big-bug

Du big-bang au big-bug

La vie des scientifiques était plus facile lorsque la Terre était plate comme une galette de sarrasin, avec Rome en son centre et rien au pourtour. C’était le bon temps. Depuis que notre planète s’est arrondie, qu’elle est en perpétuel mouvement, qu’elle s’inscrit dans un univers dont la vastitude échappe à notre imagination, toute avancée de la connaissance ajoute une nouvelle étagère à la bibliothèque des incertitudes. C’est exactement ce qui vient d’arriver à la communauté des astrophysiciens, avec une découverte qui leur est tombée sur le nez comme une météorite égarée. On vient en effet d’ausculter SDSS J102915+172927, dans la constellation du Lion (c’est-à-dire en banlieue), une petite étoile qui avait jusqu’alors échappé à la curiosité des spectroscopes. Jusqu’ici, rien d’exceptionnel : il y a tant d’étoiles dans le ciel que si Bercy pouvait les taxer, notre pays deviendrait un paradis fiscal pour ses citoyens. Mais ce qui est remarquable dans cette étoile, c’est qu’elle ne peut pas exister à l’endroit où elle se trouve. Une sorte de sans-papiers dont l’âge probable (13 milliards d’années), la taille ainsi que la composition, constituent un défi à la loi dominante de la formation de l’Univers. D’un seul coup, le big-bang fait pschitt. Au lieu de critiquer les observations qui dézinguent leur théorie, les astrophysiciens se sont remis au travail pour nous inventer un autre big-machin.

Ce serait tellement satisfaisant pour l’esprit si les économistes faisaient preuve de la même humilité. Car en ce bas monde, il y a des choses qui n’existent pas et qui pourtant devraient exister, selon les théories universellement admises. Voyez le marché, par exemple : il constitue l’optimum de l’échange, pour peu que rien ne vienne fausser la concurrence. Eh bien, au fur et à mesure que l’on supprime les freins de la réglementation, la chienlit ne cesse de s’intensifier. Tout particulièrement sur les marchés financiers : les Bourses font le grand écart en moins de temps qu’il faut pour se brosser les dents. Il faut croire que la « main invisible », le saint-patron de l’autorégulation, s’est fait la malle dans la constellation du Lion. L’espace dévolu à ce billet est trop réduit pour dresser la liste des choses que la théorie dit exister et que l’on attend comme d’autres attendent toujours Godot. Un tel contexte devrait logiquement encourager les économistes à revoir leur copie : lorsqu’une théorie comporte une litanie d’exceptions, ce n’est plus une théorie mais une élucubration fumeuse. Telle est au moins la discipline qui s’impose en science. Mais l’économie en est-elle une ? D’aucuns émettent des doutes sérieux et circonstanciés. De toute façon, on devrait bientôt connaître la réponse : selon le culte économique officiel, le monde va retomber sur ses pattes après quelques pétarades et autres menus sacrifices. Bon, si tel est le cas, la foi commune sera renforcée. Si au contraire se produit le big-bug, c’est que les évangiles de Milton Friedman ne sont que bouillie pour les chats. Alors, un peu de patience, la révélation approche.

La recette du jour

Menu d’orientation scolaire

Votre enfant vous désole : c’est un écolier médiocre, hermétique à l’apprentissage des sciences mais doué d’une réelle force de conviction pour vous faire avaler ses salades. Orientez-le vers des études d’économie. S’il échoue, inscrivez-le à l’école vaudou. S’il rate son diplôme, qu’il apprenne le bonneteau. En cas de nouvel échec, pas de panique : il reste encore la politique.

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