Digérer les déchets

Digérer les déchets

Plus une société est sophistiquée, plus elle produit de déchets. Voilà qui va simplifier le travail des anthropologues du futur : il leur suffira d’étudier l’évolution du prix de la taxe d’enlèvement des ordures ménages pour préjuger du degré de civilisation d’une population. Sur cette base, nous autres Français sommes bigrement civilisés. Le plus empoisonnant, ce sont les matières qui requièrent une éternité pour se dégrader naturellement. Les déchets nucléaires, bien sûr ; mais tant que les centrales atomiques ne sont pas disponibles dans les rayons des supermarchés, le problème demeure limité. En revanche, les plastiques ont envahi notre quotidien et c’est un vrai casse-tête de les recycler. Ce qui a encouragé des créateurs écolos à travailler des matières de substitution biodégradables : comme l’os de bœuf, par exemple, ordinairement promis à l’incinération (polluante). Alors qu’il suffit de quelques semaines de travail pour transformer un tibia bovin en monture de lunettes, en stylo-bille ou en talon aiguille. Moins de temps encore pour fabriquer un fauteuil en pâte à sel ou en fécule de pommes de terre : quand vous en avez assez de votre mobilier, vous pouvez le boulotter.

Ces techniques ont commencé à faire leur apparition dans les cocktails et pique-nique : le gobelet en agar-agar que l’on grignote après s’être désaltéré, la cuiller en sablé que l’on croque après avoir pris son café. Bientôt, les enfants sauront ce qui leur reste à faire quand maman ordonnera : « finis ton assiette ». En attendant, ce sont les emballages alimentaires qui font l’objet de toutes les attentions. Notamment de cet Américain qui projette d’encapsuler, comme un médicament, les yaourts, les crèmes-dessert, les jus de fruits et les sodas, dans une membrane gélatineuse ou craquante que l’on machouille après avoir en avoir vidé le contenu. Le résultat est plutôt plaisant au niveau visuel ; il est moins engageant au toucher. Quant à les avaler, on ne voit guère que les Anglais pour être capables de tenter l’expérience. Et surtout, on ne comprend pas bien comment ce procédé permet d’éviter l’emballage traditionnel : ces œufs d’Alien seront-ils déposés tels quels sur les rayonnages ? Pourra-t-on les jeter au fond du cabas sans cérémonie ? On ne saurait trop conseiller à l’inventeur de peaufiner sa recette. En s’inspirant des meilleurs spécialistes en la matière : les hommes politiques. Ils sont experts pour envelopper leur programme d’un emballage appétissant qui leur fait gagner l’élection. Mais pour le contenu, c’est une autre paire de manches. Quand on ouvre le paquet, on découvre le plus souvent que l’on s’est fait embobiner. Ce qui accroît la charge des poubelles. Et celle des impôts, par la même occasion.

La recette du jour

Cuisine sans restes

Vous avez compris que les déchets sont la première plaie de nos sociétés. Tentez de cultiver des noix dont la coque soit en nougat ; élevez des huîtres à la coquille de crépinette ou des bovins au squelette en barbe à papa. Si vous n’y parvenez pas, cultivez la mauvaise foi et devenez politicien. Vous ferez beaucoup de déchets, mais c’est le métier qui veut ça.

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