Divorce à l'européenne

Divorce à l’européenne ?

On est un peu en retard, ce matin. A cause du boulanger qui nous a tenu la patte : il était tout retourné. Figurez-vous que l’Agence Fitch envisage d’abaisser sa note. Non, pas celle de ses croissants, qui demeurent excellents. Sa note financière. Il a pourtant des dettes raisonnables, fait un chiffre honorable, dégage des profits enviables et n’a pas le temps de dépenser son argent : il travaille tout le temps. Seulement voilà : il envisage d’épouser la fille du quincailler. Un joli brin de femme, à n’en pas douter, pleine d’esprit et d’un commerce agréable. Mais qui a la réputation non usurpée d’être un panier percé. Elle aurait, à plusieurs reprises, siphonné la caisse du paternel, qui pourtant met des clous dans son portefeuille. La belle serait une sorte de terroriste des finances ménagères. Si bien que notre aimable boulanger se trouve confronté à un choix cornélien : avoir du crédit ou devenir mari.

C’est un embarras du même tonneau auquel est confrontée l’Europe, qui pour son malheur a choisi l’option mahométane du mariage multiple. Il n’aura pas suffi que la Communauté ainsi constituée adopte le régime de la séparation, pour se protéger des dommages collatéraux de la solidarité conjugale. La création du FESF, un fonds-poubelle destiné à collationner les ardoises surnuméraires, était sans doute une idée pertinente pour conforter un ménage compromis. Mais à offrir ainsi leur caution étendue à des croqueurs de dot impétinents, les conjoints les mieux lotis ont mis en péril leurs biens propres. Comme les Etats actionnaires de Dexia, qui ont accordé aux créanciers de la banque une garantie « présentant un caractère irrévocable, inconditionnel, direct, autonome et à première demande  ». La totale : il n’y a que l’amour fou qui puisse ainsi rendre aveugle. En foi de quoi les notateurs patentés, ces concierges qui zyeutent sans relâche sous les lits et les tapis souverains, sont-ils conduits à porter le jugement qui s’impose : qu’ils soient notés ensemble ou séparément, les Etats de l’Union filent du mauvais coton. S’ils renforcent leur cohésion, les marchés décideront que la fédération des dettes rend l’ensemble plus faible encore que chacune des parties ; s’ils divorcent, le prix de la séparation achèvera de tous les décaver. Voilà pourquoi on a ce jour fait de la peine au boulanger, en lui recommandant de renoncer à son projet. Car chagrin d’amour ne dure qu’un moment, mais ruine de mariage dure toute la vie.

La recette du jour

Mariage de raison

Vous avez hérité de vos parents un patrimoine durement acquis par le travail et patiemment consolidé par la parcimonie. Ne laissez pas la passion dicter vos choix matrimoniaux. La prééminence de la raison vous privera sans doute de bonheurs fugaces, mais elle vous épargnera les malheurs ineffaçables. Pour votre dose de romance, relisez Cendrillon.

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