Draghi perd son triple

Draghi perd son triple J

Voilà, c’est décidé, le billettiste met sur pied une Agence de notation. Le job n’est pas trop compliqué, voyez-vous : depuis un simple PC, il est possible d’obtenir toutes les données nécessaires à une prospective raisonnable. Il suffit alors de faire appel à des instruments mathématiques accessibles à un lycéen pas trop demeuré. Ainsi, pour un abonnement annuel très modique, on est en mesure de délivrer un verdict aussi fiable que celui des grandes Agences, que leurs clients paient aujourd’hui une petite fortune. Et l’on garantit une meilleure anticipation : lorsque tout le monde prétendait faire rembourser la dette grecque au nominal, on affirmait ici qu’il fallait un haircut d’au moins 70%. Eh bien, c’est le montant auquel les négociateurs seraient arrivés hier soir, en échange d’un régime super-diététique qui aurait été avalisé par les principales factions politiques du pays. Pour autant, le feuilleton n’est pas achevé. Ni Athènes sauvée des eaux.

Car la dette en cause, pudiquement dénommée « dette privée », ne concerne qu’une fraction des émissions grecques, directement détenue par les banques commerciales. Les hedge funds spéculatifs, qui ont ramassé du papier quand le marché le vomissait, n’entendent pas se priver d’un profit potentiel énorme et ne participent pas aux transactions : pour eux, soit Athènes rembourse au nominal, soit elle fait défaut – et ce sont les émetteurs de CDS qui paieront les pots cassés. Pile je gagne, face tu perds. En foi de quoi Standard & Poor’s vient de déclarer que même si cet accord devait aboutir, la Grèce ne serait pas pour autant sortie du pétrin. Merci du tuyau, coco, mais on le savait déjà. Et les hedge funds ne sont pas les seuls en cause. Après la réunion du Conseil des gouverneurs de la BCE, hier, son nouveau patron Mario Draghi a mangé le morceau : "Je suis désolé de dire que je ne peux rien dire sur la manière dont nos avoirs en obligations de l’Etat grec seront traités" a-t-il déclaré, avec la mine d’un enfant de chœur pris en flagrant délit de pensée impure. Car la BCE, ainsi que nombre de banques centrales nationales de l’Union, ont amassé des obligations athéniennes dans une opération de quantitative easing qui ne veut pas dire son nom. Si ce papier est « bien traité », ce seront de jolis bénéfices pour leurs détenteurs, et de joyeux dividendes pour les Etats actionnaires. Dans le cas contraire, ces profits à la Perrette deviendront de méchantes pertes. Très méchantes, même, car d’autres mauvais payeurs pourraient imiter les Grecs. Voilà donc notre décision du jour : la note de Draghi est dégradée. Elle passe de JJJ à J-, avec perspective négative. Et l’on n’attendra pas trois mois pour revoir notre notation, c’est promis.

La recette du jour

Mieux servi par soi-même

Vous êtes affligé par le carnet de notes de vos enfants scolarisés. Ils héritent régulièrement d’un régime de bananes. D’accord avec vous, c’est scandaleux. Menez une campagne de dénigrement des notateurs. Accusez-les de partialité et d’incompétence. Si les notes des mouflets ne s’améliorent pas, plaidez pour l’auto-notation. Vos enfants ne seront pas plus brillants, mais vous serez le seul à le savoir.

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