Du short aux caleçons

Du short aux caleçons

Ça va être intéressant, ce matin, d’observer la cotation des bancaires françaises. Celles dont la « rumeur » malveillante a méchamment esbigné le cours. Car il est dès aujourd’hui interdit de shorter les banques, c’est-à-dire de les vendre à découvert. Et ce jusqu’à la fin du mois, le temps que les ragots fielleux se dessèchent sous la canicule aoutienne – ou se confirment, ce qu’à dieu ne plaise. Les vendeurs short vont donc devoir solder leurs positions en… rachetant dare-dare le papier, bien entendu, au risque de se retrouver en caleçons courts. Pour le grand bonheur des autres spéculateurs, ceux qui ont, ces derniers jours, acheté à terme ces mêmes titres, sans la moindre intention de les conserver dans leur portefeuille. Autant dire que la décision réglementaire, déjà expérimentée lors de la chute de Lehman en 2008, n’est pas un moyen de lutter contre la spéculation. Mais une méthode efficace pour entraver la spéculation baissière sur les marchés à règlement différé.

D’un point de vue symbolique, le recours (compréhensible) à de tels expédients met en lumière les contradictions de la thèse dominante de l’efficience des marchés et du rôle irremplaçable des spéculateurs, supposés « apporter la liquidité » nécessaire au fonctionnement harmonieux de l’ensemble. Il démontre que le casino boursier est un endroit fréquentable tant que le marché monte continument, générant ainsi des cohortes successives de gagnants. Dans le cas contraire, les vendeurs short sont des empêcheurs de rêver en rond. Dans un tel contexte, le bon sens commanderait d’interdire purement et simplement l’effet de levier du crédit qu’offre le marché à règlement différé : les acheteurs bénéficient d’un crédit d’argent égal à cinq fois leurs disponibilités ; les vendeurs short du même crédit en titres. Il suffirait de limiter les négociations aux avoirs nets des opérateurs pour calmer considérablement la volatilité des Bourses, et ainsi ramener les cours à un niveau cohérent. Mais il s’agit là des marchés dits réglementés, ceux sur lesquels le législateur peut imposer son emprise. Or aujourd’hui, environ la moitié des transactions quotidiennes s’opère sur les dark pools, ces marchés noirs qui échappent à toute réglementation. Si demain la loi prohibait totalement la spéculation sur les Bourses officielles, nul doute que ces dernières se videraient au profit des marchés officieux. Maintenant que le pouvoir politique a reconnu la toxicité du spiel financier, il doit logiquement savoir ce qui lui reste à faire, pour éviter que ses décisions ne soient que cautère sur une jambe de bois…

La recette du jour

Bien-être au forceps

Vous êtes responsable de l’Office de Tourisme de votre station balnéaire. Il vous importe de répondre aux attentes légitimes des vacanciers que vous accueillez. Faute de pouvoir influencer les caprices de la météo, imposez le port permanent du short et interdisez l’usage du parapluie. Puis doublez les effectifs médicaux pour soigner l’inévitable épidémie de grippe qui s’ensuivra.

[Prochain billet le 24 août]

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