Impôt : le syndrome (...)

Impôt : le syndrome de Hamlet

Lier l’obligation fiscale à la nationalité ? Pourquoi pas. Il n’existe qu’un seul pays au monde à pratiquer de la sorte, mais on ne peut le tenir pour quantité négligeable : il s’agit des Etats-Unis. Tout Américain, où qu’il réside sur la planète, dans l’espace intergalactique ou dans les limbes, doit rendre des comptes à l’Oncle Sam. Et lui payer éventuellement sa dîme sur les revenus perçus en dehors du sol natal. Il y a un prix à payer pour exciper de la nationalité yankee, ce statut exceptionnel qui constitue, reconnaissons-le, une protection assez efficace un peu partout dans le monde. Sauf, bien entendu, dans les quelques contrées mahométanes que le Pentagone tente de convertir à la mitrailleuse lourde. Avec, dirait-on, des résultats plutôt mitigés. En tout cas, faute de statistiques disponibles, on doit se fier à la rumeur : il semblerait que rares sont les exilés yankees qui adoptent le passeport de complaisance du pays d’accueil. Quand on est Américain, on peut dans sa vie changer autant de fois que l’on veut de métier, de conjoint, de caleçon ou de convictions. Mais renier sa nationalité constitue le summum de la vulgarité, dans ce pays réputé pour la sophistication de sa pensée et le raffinement de ses mœurs.

Le Français-type renoncerait-il à son identité tricolore au prétexte d’écorner ses impôts ? En dépit de son chauvinisme légendaire et du sentiment de supériorité qui le rend si délicieusement insupportable à ses contemporains, l’Hexagonal ne nourrit qu’un attachement d’ordre esthétique à l’égard de la mère-patrie. Il lui suffirait ainsi de faire valoir qu’il est né Français pour continuer de se gargariser sous pavillon étranger. En foi de quoi les avocats spécialisés, qui entretiennent des relations fructueuses avec les contribuables épris d’habileté fiscale, auraient-ils probablement à déplorer la raréfaction de leurs clients nomades. Heureusement pour tous, l’idée de taxer, en France, les revenus du patrimoine off shore des exilés fiscaux, se heurte à une montagne de difficultés techniques et juridiques. Un Himalaya de contentieux potentiel entre Bercy et les non-résidents concernés, plus une chienlit durable avec l’administration des pays d’accueil, lesquels ont tous signé une convention fiscale avec la France, qui prévoit expressément… le contraire de ce qui est envisagé. Sans évoquer le bouleversement doctrinal que supposerait l’adoption d’une telle mesure. Le système fiscal est devenu une telle usine à gaz qu’il n’est plus possible de remplacer une pièce importante sans compromettre l’ensemble. Les exilés devraient donc s’épargner les tourments shakespeariens de Hamlet : ils n’auront pas besoin d’échanger leur nationalité pour un cheval (fiscal).

La recette du jour

Sédentarisation fiscale

Pour protéger vos intérêts, vous êtes devenu fiscalement habile. Vos affaires sont en France et votre résidence en Belgique ; vos enfants sont en pension à Londres et votre argent à Genève. Excédée par le nomadisme, votre épouse est partie partager la tente d’un pâtre grec. Il est temps de vous stabiliser. Installez famille et impedimenta dans un pays où les élections sont factices et la fiscalité rudimentaire. Cuba, ce n’est pas mal. Si la fumée des havanes ne vous dérange pas.

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