L'Académie et la morue

L’Académie et la morue fraîche

Quel poisson avez-vous choisi pour votre déjeuner ? Si vous êtes Irlandais, il y a 28% de chances que votre prétendue morue soit en réalité du lieu, jaune ou noir, voire du merlan. Vous n’y verrez que du feu, si vous pêchez vos carrés panés dans les congélateurs du supermarché. Si vous êtes Espagnol, le merlu annoncé est très probablement une sous-espèce indéfinissable, moins savoureuse mais beaucoup moins chère, prélevée dans les eaux africaines. Si vous êtes Anglais, le poisson de votre « fish and ships  » est à coup sûr du pangasius, produit de l’élevage intensif dans les eaux douteuses d’Asie du Sud-est. Beurk. Et si vous êtes Français, votre saumonette, roussette et autre chien de mer sont en réalité de la chair de… petits requins. Telles sont les conclusions ahurissantes d’Ocean2012, une ONG qui ferraille contre la surexploitation généralisée des ressources marines et les tricheries de la distribution. De quoi nous inciter à sortir notre yacht et notre canne à pêche, pour assurer le déjeuner poissonneux du vendredi.

Il est apparemment aussi difficile de dénicher un authentique produit de la mer, issu d’une vie saine, libre et sauvage, qu’un authentique écrivain susceptible d’endosser l’habit d’Académicien. Voilà un moment que nos Immortels rament en vain pour remplacer ceux de leurs collègues qui ont rejoint le dictionnaire céleste. Ni Jean Dutourd, ni Michel Mohrt, ni Félicien Marceau – récemment disparu –n’ont encore trouvé de successeur. Pas plus que Pierre-Jean Rémy, diplomate et homme de grande culture sous le nom de Jean-Pïerre Angrémy, écrivain prolifique sous bien d’autres signatures. Notamment celle de Jean-René Pallas, personnage-clef de ses Mémoires secrets pour servir à l’histoire de ce siècle, que le billettiste tient en très haute estime. Réunis hier pour tenter d’offrir un successeur à Pierre-Jean Rémy, nos Académiciens ne sont pas parvenus à produire la fumée appropriée. Car pour remplacer un auteur qui a, dit-on, écrit lui-même ses 65 ouvrages, le principal candidat était le gérant d’une société familiale d’écriture en gros, anciennement speaker à la télévision et toujours attiré par les feux de la rampe. Peut-être est-il un peu trop jeune, encore (65 ans) et un peu trop fringuant : nos Immortels ont sans doute redouté que ce charmeur impénitent ne vienne faire du gringue à Mme Carrère d’Encausse. Et n’enrôle nos éminents écrivains dans un trust d’écriture domicilié en paradis fiscal. Autant élire Johnny Halliday à l’Académie, tant qu’on y est.

La recette du jour

Halte à la morue

Par fidélité à la tradition familiale, vous avez toujours fait servir du poisson au déjeuner du vendredi. Vous avez désormais une raison défendable de renoncer à ce supplice : la morue n’est pas nécessairement celle qu’elle prétend être. Profitez de cette trahison pour griller une côte à l’os bien persillée : charolaise, salers ou blonde d’Aquitaine, elle ne dissimule pas son identité.

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