L'extraction du gaz (...)

L’extraction du gaz de chou

Quoi qu’on en dise, les Français sont sensibles aux préoccupations environnementales. Ils se désolent du trou dans la couche d’ozone qui ouvre une lucarne sur leurs angoisses métaphysiques ; ils maudissent l’invasion du CO2 qui menace de transformer la Terre en barbecue d’enfer ; ils condamnent les pesticides, les insecticides, les herbicides et tous les machins-cides qui empoisonnent leurs fruits et légumes ; ils dénoncent la consommation excessive de viande bovine, de volailles industrielles, de pâte chocolatée à l’huile de colza et de journaux télévisés à l’huile de propagande – autant de facteurs de désordres sanitaires ; ils conspuent la pollution de la bagnole du voisin, la pollution de l’industrie chinoise, la pollution du bellicisme américain et la pollution de la fortune qatarie. Autant dire que les Français sont parfaitement conscients des atteintes que les autres infligent à notre planète. Mais ils ne savent pas comment contribuer eux-mêmes à l’équilibre de notre écosystème : pour aller au bureau à bicyclette, il faut avoir des mollets de Hollandais ; pour se taper un steak de soja, il faut avoir un mental de yogi. Et planter des arbres fruitiers sur son balcon, c’est s’exposer aux foudres d’un voisinage ronchon. Bref, en matière d’écologie, le Français est incollable sur la théorie. Mais pitoyable sur la pratique.

On est donc heureux d’apporter une contribution décisive à la bonne conscience de nos concitoyens. La solution à tous ces problèmes, c’est la choucroute. Oui, vous avez bien lu : on parle ici de la pelote filasse obtenue par macération de lamelles de chou dans la saumure. Sa consommation est une bénédiction diététique, outre les mêmes redoutables vertus que le pruneau d’Agen sur le transit intestinal. Pour peu qu’elle ne soit pas truffée de charcutaille alsacienne, bien entendu. Mais il ne suffit pas de l’avaler pour être un bon écolo ; il faut également la fabriquer. Car la lacto-fermentation du chou produit un résidu liquide, appelé jus de choucroute, corrosif et polluant lorsqu’il est abandonné à l’égout. Mais source d’énergie lorsqu’il est offert en pâture à des bactéries choucroutophages, comme vient de le démontrer une station d’épuration de Krautergersheim – capitale mondiale de la production de choucroute. Il en résulte un biogaz d’excellente qualité, qui vous récompense d’avoir dû bouffer cette horreur de chou fermenté.

La recette du jour

4x4 en choucroute

Vous êtes honteux de polluer avec votre grosse cylindrée et navré de payer le plein au prix d’un banquet. Emplissez le réservoir de choux hachés, de sel et d’eau du robinet. Plus un doigt de bactéries appropriées. Vous roulerez au gaz et à l’œil pendant un an. Et vous fabriquerez suffisamment de choucroute pour empoisonner vos meilleurs ennemis.

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