L’hématopoïèse et la petite souris

Selon les paparazzis de la presse économique, le célèbre « couple franco-allemand » serait en train de se rabibocher, après une longue période de fraîcheur conjugale. Ils ne se lâchent plus, les tourtereaux, tout occupés à rédiger le règlement intérieur destiné à fixer la discipline commune. C’est le prix à payer pour avoir cédé à la facilité d’une éducation permissive, voire laxiste : la chienlit menace maintenant la maison, le spectre de la ruine pointe son nez et la famille pourrait éclater. Reste à savoir si le Conseil à venir pourra imposer un protocole militaire à la tribu : les enfants sont chicaneurs et mal-élevés et pourraient bien se mutiner contre l’autorité parentale – un problème classique des familles recomposées. Pour contester cette autorité, les mouflets avancent toujours le même argument : « T’es pas mon père » ou « T’es pas ma mère ». Des têtes à claques. Eduquer ses propres enfants, c’est déjà une épreuve ; alors ceux des autres, merci du cadeau. Enfin, pour le coup, les tuteurs de l’Europe tentent de sauver les meubles de la Communauté.

Pendant ce temps, d’autres se préoccupent de préparer les jeunes générations à l’immortalité. On apprend aujourd’hui dans Le Temps que la Suisse, connue pour l’excellence de son industrie pharmaceutique et la robustesse de ses coffres-forts, conjugue ses deux principales spécialités pour offrir à l’humanité une réserve de pièces détachées. En stockant des cellules-souches provenant, en particulier, du cordon ombilical. Mais aussi, désormais, des dents de lait. Car ces dernières sont gavées de CSM, les cellules souches mésenchymateuses – le mésenchyme étant un tissu embryonnaire capable de se transformer en tissu conjonctif (cartilagineux, osseux ou musculaire). Des expériences ont démontré que l’implantation, chez la souris, de certaines CSM humaines (des péricytes, pour être précis), favorisait l’hématopoïèse d’origine murine. Comment ça, vous ne pigez rien ? Avez-vous donc tout oublié de votre doctorat en biologie ? L’hématopoïèse, c’est le processus complexe, et encore un peu mystérieux, qui fait fonctionner l’usine à cellules (leur remplacement continu et régulé). Murin : relatif aux Muridés, famille de rongeurs qui comprend la souris, vous l’avez compris. En l’état actuel de la science, on ne sait pas encore vraiment exploiter la prolifique serre à organes que serait la dent de lait. Mais cela ne saurait tarder. Si bien que désormais, vos jeunes enfants ne mettront plus leurs ratiches sous l’oreiller, dans l’attente du passage de la généreuse petite souris. Ils exigeront de les expédier directement à la réserve cellulaire, dans leur coffre en Suisse. Et vous ne pourrez pas refuser. On ne voudrait pas vous décourager, mais avoir des enfants va vraiment devenir un luxe. Mieux vaut en adopter, dès que toutes leurs dents de lait sont tombées.

La recette du jour

Dent de la discorde

Vous découvrez tardivement que vos dents de lait étaient un trésor de longévité. Et vos parents les ont échangées contre quelques piécettes sous l’oreiller. Faites-leur un procès pour non-assistance à personne en danger et mettez-les sur la paille. Avec les indemnités, louez un coffre en Suisse à vos propres moufflets. Pour éviter qu’ils ne vous rendent la monnaie de la pièce.