L'impôt, le footeux (...)

L’impôt, le footeux et le rétameur

Les grincheux prétendent que les campagnes électorales ne sont qu’un prétexte coûteux pour nous infliger, par médias interposés, un feuilleton de querelles picrocholines sur des scénarios bâclés. Convenons avec les critiques que le spectacle est de qualité inégale : des décors convenus, un texte taillé à la serpe, des acteurs formés par les lessiviers, pas par la Comédie française. Mais ces joutes de bastringue donnent quelquefois l’occasion de découvrir des principes premiers, qui viennent éclairer notre ignorance crasse des aspirations fondamentales de l’espèce humaine. Voyez la délicate question de l’impôt : on vient d’apprendre que si l’Etat taxait cruellement les hauts revenus, leurs titulaires risqueraient de faire la tête. Et qu’ils pourraient même choisir d’aller se faire tondre ailleurs. Incroyable : on n’y aurait jamais pensé. Il faut toutefois regretter que pour illustrer cette thèse révolutionnaire, on ait pris pour exemple les footballeurs professionnels. Qui seraient tentés de déserter nos clubs pour aller jouer à Monaco, à Vanuatu ou aux Bahamas, où l’imposition est clémente pour les saltimbanques sportifs.

Une hypothèse apocalyptique, mais l’exemple est doublement mal choisi. D’abord, les contrats des footeux prévoient généralement que tout alourdissement de la fiscalité est à la charge du club employeur. Ensuite, il y a dans notre pays presque autant de praticiens du ballon rond que d’habitants : les exilés seraient aisément remplacés. Car le hameau le plus reculé dispose de son équipe, généralement soutenue par le potentat local. Ce qu’illustre bien le film Coup de tête, où le patron de la seule entreprise du lieu avoue qu’il « entretient onze imbéciles pour en calmer huit-cents ». Non, il n’y a pas de risque que le foot disparaisse de notre paysage. En revanche, des métiers autrement plus rares et précieux seraient menacés par le matraquage des hauts revenus. Les rétameurs, par exemple. Le billettiste n’en connaît que deux : l’un est au musée d’Ornans, sur une toile de Gustave Courbet qu’il ne quitte plus désormais. L’autre a été croisé, voilà des lustres, sur une plage d’Acapulco où il soignait son mal au dos. Il avait bien promis de réparer notre alambic délabré, mais il n’a pas encore eu le temps d’honorer son engagement. Qu’il se fasse rétamer par l’impôt et on ne le reverra plus jamais, alors que notre réserve de gnôle est presque épuisée. C’est décidé : si les hauts revenus devaient être confisqués, on s’exilera dans un pays où les rétameurs sont épargnés.

La recette du jour

Rétamage helvétique

Votre carrière éblouissante vous crédite de revenus princiers. Mais l’imposition future menace de les étriller. Prenez sans tarder les mesures appropriées : signez un contrat de footballeur professionnel : les augmentations d’impôt seront à la charge de votre employeur. Ou bien devenez rétameur de coffres-forts suisses : le marché est immense depuis que tout le monde cherche à percer leur secret.

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