L’Ukrainien et le Maya

Enfin quelque chose qui fonctionne comme prévu : les premières neiges arrivent conformément aux normes saisonnières. Les enfants sont ravis, bien entendu ; leurs parents un peu moins, qui paniquent dès l’apparition du moindre flocon. Nous allons probablement avoir droit aujourd’hui aux litanies ordinaires : des routes dangereuses que la DDE aura négligé de dégager, des trottoirs glissants que les riverains n’auront pas pomponnés, des retards dans le RER, de la buée sur les pare-brise, des engelures sous les mocassins. L’occasion d’incriminer l’incurie des collectivités locales, l’inertie du Gouvernement et sans doute la rouerie du père Mittal, qui porte sur ses épaules toutes les misères françaises. C’est que nous autres Hexagonaux, descendants des Gaulois rouspéteurs et querelleurs, nous ne ratons jamais l’occasion de faire une montagne d’une taupinière. Pour nous, le verre est toujours à moitié vide.

Sans doute devrait-on s’inspirer de l’heureux tempérament des Ukrainiens. D’abord, ils ne redoutent pas les tempêtes de neige. Ni la férocité des sidérurgistes. Ensuite, ils développent d’étonnantes capacités d’adaptation, héritage génétique de leur récent passé soviétique. A l’approche de la fin du monde, programmée par les Mayas au 21 décembre prochain, un site d’achats collectifs en ligne propose des forfaits touristiques pour cette même date. Des billets pour le Paradis ou pour l’Enfer, certains en 1ère classe et d’autres assortis de l’option « all inclusive » - probablement les plus vendus : dans ces contrées picoleuses, l’open bar est un argument de vente décisif. Pour preuve, le contenu des « kits pour l’Apocalypse » qui font un tabac sur Internet. Le modèle pour hommes comporte en premier lieu une bouteille de vodka, sans laquelle un Ukrainien ne saurait survivre à Armageddon. Pour le modèle féminin, c’est une bouteille de mousseux de Crimée, sorte de limonade doucereuse baptisée champanskoe par les autochtones – une appellation que les Russes ont promis d’abandonner en 2022, sous la pression des viticulteurs champenois. On laisse le soin au lecteur de découvrir la composition de ce kit de survie, qui donne une idée du profil de l’Ukrainien quand il brosse lui-même sa caricature. Et met en lumière son sens de l’humour : il sait se gausser des inquiétudes insensées comme de ses embarras quotidiens. Le Français, au contraire, en fait tout un plat. Et il peste contre la neige au lieu d’en profiter pour mettre un flocon dans sa vodka.

La recette du jour

Business de fin du monde

Vous cherchez une activité lucrative pour passer les fêtes de fin d’année dans des flots de champagne. Proposez sur Internet, pour un prix raisonnable, le calendrier maya 2013. Encaissez les paiements et partez vous prélasser aux Bahamas. Si la fin du monde a lieu, vous aurez au moins économisé les honoraires d’avocat.