La Bourse en ballon

La Bourse en ballon

Vous pourrez consacrer votre vie entière à essayer de comprendre pourquoi la Bourse monte ou baisse : on veut bien parier que vous n’y parviendrez jamais. Ce n’est pas que l’on sous-estime vos capacités d’analyse, ni votre intuition, ni votre imagination. Mais tant d’autres se sont avant vous essayé à l’exercice, sans plus de succès que les alchimistes avec la pierre philosophale, que l’on sait par avance votre quête infructueuse. Même les gestionnaires les plus rationnels, appelés « fondamentalistes », qui croient les Bourses en phase avec les perspectives de l’activité, se trompent plus d’une fois sur deux. Le pifomètre fait mieux. D’autres, appelés "chartistes", observent l’évolution passée des cours et croient deviner, dans la forme des courbes, des histogrammes ou des bâtonnets, la véritable orientation des marchés. Une méthode projective, comme le test de Rorschach des psychanalystes – vous savez, les dessins sinistres à l’encre de Chine : l’interprétation en dit davantage sur le commentateur que sur l’objet commenté. Si personne ne lit plus l’avenir de la Bourse dans les entrailles de poulet, d’aucuns continuent à rechercher des corrélations avec la conjonction des planètes ou l’intensité des tâches solaires. Les résultats ne sont pas plus pertinents que ceux obtenus avec n’importe quelle autre méthode. Mais pas plus fantaisistes non plus, notez-le bien.

On comprend en conséquence que les théologiens de la finance, ceux qui siègent à la BCE, aient commandité une étude visant à lever le mystère d’une possible corrélation entre les marchés financiers et la Coupe du monde de football. L’intuition s’est révélée entièrement fondée. Car pendant le déroulement des matches, l’activité boursière chute dans des proportions spectaculaires. La raison est toute simple : les traders abandonnent alors l’écran des marchés pour celui de la télé. Il est permis de supposer que les autorités vont tenter de lutter contre un phénomène qui fait baisser le volume des transactions, donc la masse des courtages, donc le PIB, outre le fait qu’il limite le potentiel bénéficiaire des établissements concernés. Cette approche épicière est tout-à-fait regrettable et, pour tout dire, absolument contreproductive. Car le billettiste a découvert une corrélation autrement plus prometteuse : pendant la Coupe du monde de 2010 –la référence de l’étude –, les Bourses se sont maintenues à leur sommet de l’année. Dès la fin de la compétition, les traders se sont remis au boulot et les marchés ont plongé. La conclusion s’impose : il faut convertir tous les traders à la pratique du ballon rond. Leur train de vie n’en serait pas altéré, au contraire : aucun d’entre eux, aujourd’hui, ne gagne plus qu’Anelka et ses 230.000 euros par semaine. Et surtout, la valeur des actions étant inversement proportionnelle au nombre des transactions, nos portefeuilles se maintiendraient continument au sommet. Avec une seule cotation par jour, nous deviendrions tous riches à perpétuité. Ce serait sympa.

La recette du jour

Programme électoral

Vous avec une haute idée de l’intérêt général, ce pourquoi vous êtes candidat à l’élection présidentielle. Promettez la richesse à chacun en instituant une unique séance mensuelle à la Bourse. Le reste du temps, les écrans de cotations transmettront en différé tous les matches de foot du monde entier. Vous serez élu les doigts dans le nez. Et réélu pour l’éternité.

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