La boussole affolée

La boussole affolée

Prendre de l’altitude pour mieux comprendre ce qui se passe sous nos pieds. Tel est l’objectif de l’Agence spatiale européenne, avec le lancement prochain d’un triplet de satellites, ayant vocation à décrypter la part importante de mystère que recèlent encore la formation et l’évolution du champ magnétique terrestre. Pas seulement en vue d’affiner la précision de la géolocalisation, bien que cette préoccupation prenne de l’ampleur : le Nord magnétique ne cesse de se balader loin du Nord géographique, dans un périmètre de villégiature imprévisible, qui nécessite une actualisation constante du calcul de la déclinaison magnétique. Mais c’est aussi que l’intensité de ce champ magnétique s’affaiblit, sans que l’on sache si la tendance est durable ou si le cycle va s’inverser. Or, s’il devait disparaître, la vie disparaîtrait également sur notre planète. Voilà donc une balise efficace pour les angoisses existentielles : le jour où notre boussole deviendra folle, la fin des temps sera proche.

Prendre de l’altitude pour comprendre le fonctionnement d’une société, voilà sans doute une stratégie efficace. Au sens figuré, bien sûr : le satellite n’est d’aucun secours en cette matière. Mais il est permis de soupçonner l’existence de courants invisibles, une sorte de magnétisme nomade qui influence la polarité des populations. Et qui présente une dérive importante, d’autant plus inexplicable que les Etats concernés sont géographiquement proches. Voyez par exemple la France républicaine : elle traite son président comme un monarque de l’Ancien régime, et se réjouit de pouvoir sporadiquement le condamner à l’échafaud. Au sens allégorique, bien sûr. Tandis que la Belgique voisine, une monarchie constitutionnelle curieusement organisée sous forme fédérale, conspue régulièrement sa représentation démocratique. Laquelle ne manque pas une seule occasion de mériter la critique, il faut bien le dire. Mais l’opinion belge se préoccupe aujourd’hui d’un problème qui échappe au choix des urnes : le Roi va-t-il prochainement abdiquer en faveur de son fils Philippe ? La rumeur se répand que le sceptre pourrait changer de mains à l’occasion de l’anniversaire des 20 ans de règne d’Albert II, le 21 juillet 2013. Il aura alors 79 ans, ce qui reste un âge honorable pour la retraite. Les Français jalousent leurs voisins belges pour être privés de telles angoisses. Ils ne se remettront jamais de leur schizophrénie magnétique, qui leur fait admirer à la fois la grandeur du pays sous la monarchie absolue et la chienlit absolue sous la Révolution. Voilà belle lurette que chez nous, la boussole de l’opinion a perdu le Nord.

La recette du jour

Thérapie belge

Vous êtes angoissé par l’indécision à l’approche des élections. Normal, vous êtes Français : vous voulez tout et son contraire. Soignez-vous en sollicitant la nationalité belge. Vous aurez en même temps le siège de la Communauté, un Roi, un gouvernement élu et des régions fédérées. Ce qui vous garantit de profiter ad vitam de la passion typiquement gauloise pour les querelles de clocher.

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