La carrière à 240 trimestre

La carrière à 240 trimestres

Désolé, mais ce n’est pas très facile d’être à l’heure, en ce moment. Non, la neige n’y est pour rien. C’est plutôt le résultat des embarras dans le transport aérien. Vous partez quelques jours à l’étranger sans vous soucier de l’actualité et hop, pour votre retour, vous êtes bloqué. « Mouvement de grève à Paris » vous dit placidement le préposé londonien, comme si la chose était aussi familière que cette horreur de porridge au petit-déjeuner. Vous suggérez benoitement que c’est à nouveau l’histoire de la retraite à 60 ans qui revient sur le tarmac, puisqu’elle a commencé à réapparaître dans la campagne présidentielle. Alors que vous croyiez le dossier bouclé depuis un bon bout de temps. « Vous n’y êtes pas du tout  » vous répond l’Anglais, qui pour le coup se déride : « C’est une grève contre l’encadrement du droit de grève  ». Evidemment, à Londres, l’affaire paraît aussi incongrue que le port du béret basque et aussi répugnante qu’un plat de grenouilles. Le tout ayant pourtant perdu la spécificité française : les bérets sont désormais de fabrication chinoise, les cuisses batraciennes de provenance hongroise et l’Europe entière nous chipe l’art de la grève. Pas étonnant que notre balance commerciale donne de la gîte. Alors que le porridge provient toujours de l’avoine anglaise, hélas. Feraient mieux de la laisser aux chevaux, leur avoine.

Si l’on a pensé spontanément à la retraite, c’est que l’on était à Londres sur invitation de notre vieille copine Babeth – ou plutôt Sa Majesté Elisabeth II : elle n’aime pas trop les familiarités, la Reine. Figurez-vous que l’on était convié à un aimable pince-fesses, pour célébrer le soixantième anniversaire de son règne. Déjà : on ne voit pas le temps passer ; elle non plus, d’ailleurs. Vous vous rendez compte : une carrière de 240 trimestres, sans la moindre période de chômage ni le plus minuscule arrêt-maladie. Et pas un seul jour de grève, bien entendu : c’est interdit par la Constitution britannique et aucun monarque n’a jamais protesté. Seulement quelques brefs congés-maternité, en des temps lointains où Sa Majesté ne pouvait deviner que sa progéniture lui donnerait du fil à retordre, pour ne rien dire des petits-enfants, ces chenapans. On ne voudrait pas faire de comparaison hasardeuse avec la civilisation anglaise, pour éviter de se faire canarder. Mais Sa Majesté nous offre un exemple digne d’être suivi : 60 ans de carrière et son plaisir au boulot n’a pas pris une ride. Au point qu’elle n’envisage même pas de décrocher. Heureusement : il n’existe pas de Caisse de Retraite des Vieux Monarques Anglais, et celle du commun des mortels n’alloue que quelques picaillons à ses cotisants : voilà pourquoi ils préfèrent continuer à travailler au lieu de feignasser. On espère pour eux que c’est avec un royal plaisir.

La recette du jour

Conseil d’orientation

En ces temps de confusion, vous êtes circonspect quant à l’orientation de vos enfants. Ne croyez pas les fadaises selon lesquelles les carrières futures seront faites de plusieurs métiers successifs. Préparez plutôt votre progéniture à devenir Reine d’Angleterre. D’accord, les places sont chères. Mais la sécurité de l’emploi est garantie jusqu’au trépas. Pas besoin de faire grève pour la retraite. C’est cool.

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