La comptabilité Photoshop

La comptabilité Photoshop

Puisque les comptes des Etats sont quelquefois soumis à la chirurgie esthétique, il ne faut pas s’étonner si des firmes multinationales sont suspectes de farder leurs bilans. Les risques encourus par elles sont finalement assez minces : auditeurs et limiers du fisc reconnaissent qu’il faudrait plusieurs années à une équipe de choc pour vérifier sérieusement les comptes d’un seul exercice. Si bien que pour éventer une fraude, il est plus simple de compter sur les malices du hasard ou sur le mouchardage. C’est ce qui vient d’arriver à la firme japonaise Olympus. Un cadre de haut rang, n’ayant pas apprécié de se faire débarquer manu militari, s’est répandu en confidences dans les médias. La Direction aurait sanctionné ses questions indiscrètes sur l’acquisition, à prix d’or, de sociétés minuscules dont l’activité n’a qu’un rapport lointain, voire pas de rapport du tout, avec celle du géant de l’optique photographique. D’autant que ces emplettes saugrenues ont été réalisées moyennant de vertigineux honoraires d’intermédiation, versés aux Iles Caïman sur les comptes de consultants vertigineusement anonymes. Bon, entre nous, la procédure est un tantinet surexposée, si l’on peut se permettre une critique d’esthète.

Il a donc fallu que la Direction crache le morceau. La situation d’Olympus a bien été retouchée par l’usage de Photoshop, version comptable, ce logiciel qui permet aux photographes de modifier la sincérité du cliché originel, et donc d’offrir une image infidèle de la réalité. Au cas d’espèce, il s’agissait pour les dirigeants de gommer les bourrelets disgracieux des pertes abyssales réalisées sur leurs placements financiers, dans les années… 1990. La compta obéissant au premier principe de Lavoisier (rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme), les sommes évanouies se sont retrouvées logées dans le compte des écarts d’acquisition (le fameux goodwill) et dans celui des frais généraux – les multinationales sont habituées à payer de gros honoraires. Finalement, la situation de trésorerie de la firme n’est pas modifiée. Mais son bilan, bien sûr, en souffre un peu. Les écarts d’acquisition sont ordinairement suspects d’optimisme ; au cas d’espèce, ils sont tout simplement ésotériques. Toutefois, la valeur réelle de la société ne justifie sans doute pas la sévère sanction boursière du titre. Les Japonais méritent quand même un reproche : au lieu de bricoler une retouche grossière, ils auraient dû recourir aux maquilleurs américains. Ces derniers sont les maîtres du genre. Au point qu’il est permis de se demander s’il existe aujourd’hui une seule multinationale qui ne soit pas considérablement moins riche que ne le disent ensemble ses comptes, et Wall Street…

La recette du jour

Retoucher n’est pas jouer

Vous avez claqué une petite fortune en billets de loterie et, hélas pour vous, la chance ne vous a pas souri. La situation n’est pas désespérée. Inscrivez les billets périmés dans votre portefeuille, à la rubrique « options et warrants ».Valorisez-les comme le font les banquiers : au coût d’acquisition. Tant que vous ne virez pas votre femme de ménage, vous ne risquez pas la dénonciation.

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