La comptabilité Poudlard

La comptabilité Poudlard

On sait maintenant pourquoi se mettent à fleurir des écoles de sorcellerie, comme celle où Harry Potter fit ses classes. On sait maintenant pourquoi ces clones de Poudlard sont appelés à supplanter les Harvard et autres HEC. L’objectif est ambitieux : il s’agit de former des gestionnaires publics rompus à la magie comptable des temps présents. Car le commun des moldus pense, comme Dom Juan, que deux et deux font quatre et que quatre et quatre sont huit. Vous vous rendez compte ? Cette approche de l’arithmétique est, dans la finance, aussi ringarde que la massue dans l’art militaire. Car pour sauver les Etats contemporains des effets délétères de leur prodigalité passée, il devient nécessaire d’adopter un nouveau paradigme comptable. Selon lequel la baisse de l’endettement passe par la conclusion de nouveaux emprunts. On s’en doute, il convient pour ce faire de bien maîtriser les pouvoirs de l’illusion.

Tel est l’exercice auquel vient de se livrer la Grèce, sous la houlette magique du FMI. Le pays a offert de racheter une petite fraction de ses dettes anciennes, parmi celles qui sont détenues par des mains privées. Un deal aux enchères : faites votre prix, a dit Athènes aux vendeurs, et j’en prends pour 30 milliards. Le papier a afflué et la transaction s’est conclue à 33,5% du nominal. Ce n’est peut-être pas cher, penserez-vous, mais c’est beaucoup mieux que le prix auquel le marché valorisait ces titres voilà peu (moins du cinquième du nominal). Grâce à ce rachat, le stock de la dette du pays a baissé d’une vingtaine de milliards, condition posée par la Troïka pour que soit accordé à Athènes… un crédit supplémentaire de 34,4 milliards, qui devrait lui être versé demain. Je pose 1 et je retiens 2. Si vous n’avez pas compris comment la dette grecque a diminué, c’est que vous êtes hermétique aux nouvelles normes comptables en vigueur, depuis qu’une adepte d’Albus Dumbledore a pris la direction du FMI (après avoir popularisé la « ri-lance », mariage improbable de la rigueur et de la relance, une pratique magique exclusivement accessible aux docteurs en sorcellerie). Le tour de passe-passe a au moins réjoui les hedge funds, qui continuent de comptabiliser leurs profits « à l’ancienne » : aimablement avertis à l’avance de ce rachat providentiel, ils ont tranquillement accumulé à bon prix le papier en cause. Dans la finance moderne, sorcellerie rime avec truanderie.

La recette du jour

Dette magique

Vos affaires sont désastreuses et la cote de vos dettes est massacrée. Faites ramasser le papier par la sœur du palefrenier de votre banquier, avec laquelle vous entretenez une relation coupable. Puis annoncez que vous rachetez à bon prix une fraction de vos dettes. Avec les profits, payez vos intérêts aussi longtemps que vous le pourrez. Quand vous serez à sec, émettez des assignats. Ou intégrez le FMI.

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