La démocratie en stuc

La démocratie en stuc

Que serions-nous devenus, nous autres descendants de Gaulois incultes et querelleurs, sans la colonisation romaine ? Difficile à dire. Environ trois siècles de domination plutôt bienveillante ont tout de même fait germer ce qui deviendra une nation raffinée et sophistiquée, merci pour notre humilité. Avec quelques (très) longs épisodes de chienlit barbare après la chute de l’Empire romain, convenons-en. En tout cas, nous sommes immensément redevables à notre ancien colonisateur. Pour autant, la morale contemporaine a banni les prétentions coloniales du petit manuel de la gouvernance. Au moins dans l’esprit : toutes les anciennes colonies, ou presque, sont désormais dirigées par des gouvernements élus sous les vertus indépassables du suffrage universel. Avec quelquefois l’aide d’Etats ou de firmes étrangers, qui ne sauraient tolérer que l’indépendance les prive de leurs intérêts. Il ne faut tout de même pas exagérer. L’Afrique est ainsi devenue l’archétype du faux-semblant démocratique, où de multiples potentats pillent leur pays avec plus de férocité que nul colon ne l’eût jamais osé.

On passera ici pudiquement sur l’aide militaire que d’anciennes puissances coloniales apportent, de façon tout-à-fait désintéressée, aux Etats africains menacés par de nouveaux prédateurs. La « communauté internationale », avec une sincérité qui l’honore, soutient fermement la lutte contre le terrorisme qui menace sa bonne conscience et, hum, le business ordinaire aussi. Mais les anciens maîtres ne sont pas les seuls à pratiquer l’outrance dans la mauvaise foi. Par la voix de son ministre des Finances, le Zimbabwe vient d’annoncer que le Trésor ne dispose plus « que de 217 dollars » pour finir le mois, après le paiement du traitement de ses fonctionnaires. Et qu’il faut donc au pays faire appel à la générosité internationale, afin que puissent être financés les prochains scrutins qui lui garantissent le label démocratique. La Rhodésie coloniale de Ian Smith était un pays riche de sa production agricole et de ses ressources minières. Le Zimbabwe indépendant de Mugabe est l’un des Etats les plus pauvres de la planète, désormais couvert de friches agricoles et dont les ressources naturelles (diamant, or, platine) n’enrichissent que le Président et ses affidés. On s’étonne que la communauté internationale n’ait encore rien entrepris pour libérer le peuple d’un pouvoir tyrannique qui dure depuis plus de trente ans…

La recette du jour

L’esprit et la lettre

Marguerite Yourcenar ne doit pas la gloire à sa bienpensance démocratique. Mais outre son talent de plume, il faut rendre hommage à la lucidité des propos qu’elle prête au héros des Mémoires d’Hadrien : « Je doute que toute la philosophie du monde parvienne à supprimer l’esclavage : on en changera tout au plus le nom ».

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