La dinde et la farce

La dinde et la farce

On voit bien que les réjouissances de fin d’année approchent. Et que chacun se hâte de boucler les dossiers en cours, pour ne pas trop perturber les festivités. Au risque de bâcler le boulot : la méthode retenue consiste principalement à pousser les problèmes sous le tapis vert et asperger le tout de déodorant. De ce fait, la décomposition du premier parti d’opposition devrait-elle épargner le nez sensible des électeurs jusqu’à l’année prochaine : Noël est une fête de famille, qui impose l’image de la solidarité et de la cohésion. La remarque vaut également pour l’UE, dont les membres viennent de s’accorder sur le temps de cuisson de la dinde grecque – une éternité bien que la pauvre bestiole n’ait plus que la peau et les os. Voilà ce qui arrive lorsqu’on dépiaute la volaille avant de la mettre au four.

La négociation-marathon de cette nuit a donné lieu à un premier communiqué de l’AFP nimbé du sens critique affûté de la Pravda d’antan. Ainsi, « Les ministres des Finances de la zone euro et le FMI se sont entendus pour que la dette grecque soit ramenée à 124% du PIB d’ici 2020, contre un objectif initial de 120% défendu par le FMI ». Effrayé par le caractère surnaturel d’une telle victoire, qui met fin, on s’en doute, à la crise de la Zone euro, le rédacteur tempère l’enthousiasme en avouant que les sources de cette information «  n’ont pas précisé les modalités pour parvenir à cet objectif ». Dommage. Car on sait depuis longtemps que tout le monde est d’accord pour que la dette grecque soit la plus mince possible, aujourd’hui et demain pour les siècles des siècles. Mais personne n’en accepte la seule modalité efficace : faire une croix sur l’essentiel des créances. Au petit matin, Le Figaro nous éclairait sur le contenu de l’accord : le lecteur en appréciera la dimension historique. Cela valait la peine que les participants s’infligeassent quatorze heures de négociations non stop : ils sont parvenus à ralentir de quelques secondes le calendrier prévisionnel du défaut grec. Enhardis par cette incroyable performance, ils ont dû vider quelques fioles d’ouzo. Au point d’affirmer sans bégayer que la dette grecque sera réduite à moins de 10% de son PIB en 2022. A moins que le journaliste n’ait, lui aussi, trop picolé. Vous savez désormais ce que les autorités européennes vont demander au Père Noël : un container d’Alka Seltzer. Sans quoi la gueule de bois ne les quittera pas.

La recette du jour

L’ivresse de l’accord

Vous êtes confronté à des négociations infernales. Car les participants ne sont d’accord que sur un point : refuser la seule option qui résoudra le problème. Si la longueur des débats fait sauter le dîner, faites quand même servir l’apéritif, puis les vins. Faute d’accord au digestif, distribuez des psychotropes. Vous obtiendrez un accord d’accord au petit matin. Et une solide migraine.

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