La martingale de Monza

La martingale de Monza

Voilà une bonne nouvelle. Nous sommes sauvés. Enfin, nos finances publiques sont sauves. Grâce à notre patrimoine culturel. Ou plus exactement grâce à l’estimation généreuse réalisée par un département de la Chambre de commerce de Monza et relatée dans l’édition romaine du Corriere Della Serra. Selon lesdits calculs, nous arrivons en tête de la richesse patrimoniale européenne avec… la Tour Eiffel, bien sûr. Qui supplante, et de loin, la valeur de tous les poncifs touristiques européens. Le Colisée, par exemple, est estimé à 91 milliards d’euros, une valeur extravagante si l’on en juge à son état de décrépitude. Mais bien moindre que celle de notre Tour Eiffel, toujours pimpante et à laquelle ne manque pas un rivet (sur 2,5 millions, il faut le faire) : elle demeure le monument le plus visité au monde (parmi ceux dont la visite est payante, s’entend). Plus de 7 millions de billets l’année dernière, et en prime les restaurants, les souvenirs et autres babioles : cela donne environ 70 millions d’euros de chiffre d’affaires et un peu moins de 3 millions de résultat net. Une civette pépère, encore que pas très rentable.

Quel prix accepteriez vous de payer la Tour Eiffel si son principal actionnaire, la Ville de Paris, décidait de la vendre ? Dix fois le résultat net ? Quinze fois ? Vous n’y êtes pas du tout. Selon les évaluateurs italiens, le monument vaudrait 434 milliards. Oui, il s’agit bien de milliards. Non, pas de lires mais d’euros. On ne sait comment le calcul a été établi, sinon que plusieurs séries de paramètres ont été intégrées, avec l’âge du capitaine et probablement une colonie de ratons laveurs. A ce prix-là, il va sans dire que le Maire de Paris devrait immédiatement proposer la Tour Eiffel sur eBay et s’engager à partager les bénéfices avec Bercy et l’Archevêché (pour compenser la gratuité de la visite de Notre-Dame). Vous l’avez compris, la martingale de Monza a été établie sous l’emprise d’une dose massive de grappa et de LSD. Mais le phénomène éclaire parfaitement l’esprit de la gestion publique transalpine. Si à lui seul le Colisée vaut 91 milliards, les innombrables monuments romains pèsent une fortune colossale, sans compter la Basilique Saint-Pierre ni le Musée du Vatican. Plutôt que de demander des contorsions illégales à la BCE, Monti serait mieux inspiré de céder la Fontaine de Trevi et la Colline du Capitole pour améliorer les finances du pays, vu que personne n’accepte plus d’hypothèque sur le patrimoine national. Nous autres Français avons davantage de ressources. La Tour Eiffel d’abord, qui vaut infiniment plus que le prix transigé, en 1925, par l’escroc Victor Lustig avec un pigeon ferrailleur. Ensuite, nous avons Le Louvre. Outre la Joconde, dont la valeur est inestimable, il y a quantité de toiles prestigieuses qui n’ont pas coûté un sou au pays : c’est Napoléon qui les a volées pendant ses campagnes. Tout bénef.

La recette du jour

Rating à l’italienne

Vous aimeriez bien vous refaire une santé financière avec un joli coup. Plantez un piquet métallique de 300 mètres dans votre jardin. Il deviendra une attraction. Faites-le estimer par la Chambre de Commerce de Monza et apportez-le à votre banquier en garantie d’un emprunt déraisonnable. Puis offrez-vous une Princesse vénitienne et le palais qui va avec. Avec tous nos vœux de bonheur.

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