La ractopamine en exocet

La ractopamine en exocet

Où passerez-vous les fêtes de fin d’année ? On ne saurait ici délivrer de quelconques recommandations : de toute façon, avec le réchauffement climatique, il est devenu indifférent de réveillonner en Sibérie ou dans le désert du Chihuahua. Mais s’agissant de vos menus de fête, l’endroit n’est pas indifférent. A cause de la réglementation applicable aux produits alimentaires. Qui diffère largement selon le continent. Voyez par exemple les Etats-Unis : le pays est très scrupuleux sur les questions de santé, mais il l’est davantage encore sur les questions de business. Pas seulement pour le sucre et le gras, en vente libre, qui constituent l’essentiel de la consommation yankee. Il y a aussi les additifs à l’alimentation humaine et la pharmacopée de l’alimentation animale. La plupart des pays sont en la matière beaucoup plus restrictifs que l’Oncle Sam. Notamment pour l’utilisation des hormones de croissance dans la pitance animale, ainsi que celle du chlorydrate de ractopamine.

La ractopamine est en train de devenir le premier sujet de brouille entre la Russie et les Etats-Unis. Ce bêta-adrénergique présente la particularité d’alléger les graisses des porcs, bovins et autres dindes de Noël, ainsi que d’accroître leur taux de protéines. Mais il est susceptible d’induire chez l’homme des effets secondaires comme des crampes ou des tremblements ; de susciter l’agressivité, l’agitation, l’augmentation de la pression sanguine, les vertiges, la nausée ; de provoquer la tachycardie, l’arythmie, l’hyperglycémie et l’hypocalcémie. Rien que de très anodin pour la constitution robuste de l’Américain moyen. Mais plus fragiles, les Européens préfèrent éviter de muscler leurs élevages aux amphétamines. Même les Chinois y ont renoncé. Quant aux Russes, ils viennent d’adopter la prohibition de la ractopamine, bloquant ainsi les exportations américaines de barbaque vers Moscou. Il semble que les préoccupations du Kremlin relèvent moins de l’ordre sanitaire que de la rétorsion diplomatique. Car Poutine serait excédé par les incessantes critiques des States à l’égard de la perception russe des droits de l’homme, considérée comme trop musclée et exagérément protéinée. Selon quoi leurs traditions culturelles ne permettront jamais aux deux blocs de se réconcilier : à l’Ouest, il est légal d’empoisonner la bouffe de ses contemporains. A l’Est, il est légitime de les entôler arbitrairement, pour les préserver de la mauvaise influence yankee et des embarras de santé : on ne sert pas de viande dans les prisons russes.

La recette du jour

Menu de réveillon

Vous cherchez une formule originale pour vos réveillons de fin d’année. Si vous privilégiez la sécurité alimentaire, optez pour la prison russe : on vous servira un brouet parfaitement diététique et dépourvu de viande empoisonnée. Si vous êtes idéaliste, choisissez Guantanamo : vous dégusterez des droits de l’homme à tous les repas.

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