La raison en caleçons

La raison en caleçons

Les mêmes causes, dit-on, produisent les mêmes effets. Enfin, c’est ce que l’on croyait. Jusqu’à hier, en tout cas. Depuis, il faut d’évidence introduire une nouvelle donnée dans l’équation : la position de l’observateur. Selon l’endroit où il se trouve, les mêmes causes peuvent avoir des effets différents. Ou plus exactement, des causes diamétralement opposées peuvent avoir strictement les mêmes effets. Ce nouvel axiome vient d’être démontré dans la relation qui existe, ou existerait, entre la politique monétaire d’une Banque centrale et l’évolution de la Bourse. Aux Etats-Unis, par exemple, la FED a récemment laissé entendre que le robinet de ses « assouplissements quantitatifs  » pourrait être fermé, même si l’activité du pays se révélait faiblarde. Wall Street a logiquement accueilli cette perspective avec fraicheur : tout le monde sait, de Tombouctou à la planète Mars, que le marché américain ne doit sa bonne mine qu’aux transfusions massives d’argent frais par la Banque centrale. Que l’on renonce aux soins palliatifs avant que l’économie yankee ne se soit rétablie, et ce sera le collapsus.

En Europe, la BCE a confirmé hier qu’elle n’entendait pas renoncer aux « mesures non conventionnelles  », celles qui lui permettent de fertiliser les bilans bancaires sous un flot de liquidités génétiquement modifiées. Le non conventionnel est le nom que l’on donne, sur le Vieux continent, à la même pratique américaine dénoncée chez nous comme étant la sulfureuse « planche à billets ». Et que s’est-il passé ? Les places financières ont dévissé. Vérité au-delà de l’Atlantique, erreur en deçà. Et vice versa. A moins que les commentateurs ne se soient emmêlé les ripatons dans leurs explications. Car les opérateurs accordent moins d’importance aux vaticinations de Mario Draghi, dans son costume de pythie conjoncturelle, qu’à l’implacable rigueur des faits. A savoir le comportement du marché. Ce dernier a mal accueilli l’émission obligataire de l’Espagne, qui n’a pu lever que trois picaillons à des conditions assassines. Est-ce vraiment une surprise ? A moins d’escompter qu’un miracle pascal vienne rédimer les comptes publics ibériques et redonner aux autochtones la foi en un avenir meilleur, le sort de Madrid est aussi prévisible aujourd’hui que ne l’était hier celui d’Athènes. Et demain celui de Lisbonne, pourtant félicitée par la « troïka » pour ses sacrifices à la déesse de l’austérité. Sans doute faut-il voir ce matin, dans les explications bouffonnes de la presse économique, le triomphe planétaire de la confusion générale entre les effets et les causes. Un véritable court-circuit neuronal. Dans ce désordre de fourmilière face au tamanoir, ce ne sont pas seulement les nations qui se retrouvent en caleçons. Mais aussi la raison.

La recette du jour

Poule en théorème

Vous avez la réputation bien établie d’un être rationnel, rompu à la dynamique intangible de l’enchaînement des causes et des effets. Vous êtes donc logiquement dérouté par les analyses psychédéliques des temps présents. Ne renoncez pas à vos convictions. Dans le monde de la réalité, ce sont bien les poules qui pondent les œufs. Et pas le contraire.

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