La rumeur et la récré

La rumeur et la récré

Ah, la rumeur, quelle plaie ! Un ragot lancé au bon endroit, une calembredaine bien ajustée, une perfidie joliment tournée, et voilà que les médias supersoniques répandent la rumeur sur la terre entière. Vous avez vu, hier, comment se sont comportées les Bourses, et notamment la nôtre : une belle purge. Et tout ça sans autre raison que les rumeurs, figurez-vous. Un obscur canard anglais aurait publié des allégations tendancieuses sur la qualité de la signature française, promise à dégradation, ainsi que sur la santé de ses banques en général et de l’une d’entre elles en particulier, dont l’état général aurait justifié une nationalisation rapide. Les Anglais ne manquent jamais une occasion de nuire à la France, c’est bien connu. Encore que leurs agressions mettent du temps à traverser la Manche : publié dimanche dernier, l’article en question n’a fait dévisser le marché que le mercredi suivant. Doit pas avoir beaucoup de lecteurs, le Daily Mail. Bien entendu, tout le monde a démenti ces propos insensés : notre pays peut justifier d’une signature en béton armé et nos banques sont aussi solides que la pyramide de Khéops. Du reste, le journal s’est excusé « sans réserves » et a reconnu que ses infos étaient du pipeau. En d’autres temps, il suffisait de déclarer « Untel est un poltron », ou un bredin, ou un maquignon, et l’affaire se terminait au petit matin, sur le pré et à l’épée. Aujourd’hui, un journal publie des coquecigrues assassines et ses excuses suffisent à calmer le jeu. Nous autres Français ne sommes pas rancuniers. Nous avons bien changé.

Mais enfin, tout le monde sait que la presse anglaise, ce n’est pas la crème du même nom. En témoigne le feuilleton invraisemblable des tabloïdes de Murdoch, convaincus de crapuleries en tout genre. Et spécialistes du ragot croustillant (encore que généralement avéré). Mieux encore, la presse britannique tout entière s’est laissé aller à une dramatisation outrancière des événements qui égaient en ce moment les grandes villes du Royaume. Au motif que quelques véhicules ont été incendiés, quelques magasins pillés, quelques immeubles ravagés, quelques pékins molestés, les journalistes n’ont pas hésité à parler d’« émeutes ». Pourquoi pas la guerre civile, tant qu’on y est. Un peu de mesure : ce sont les vacances et nombre de jeunes gens n’ont pas les moyens de partir. Alors ils organisent en bandes un peu de chahut. Pour rigoler, quoi. Ce n’est pas à l’honneur de la presse locale que de colporter des rumeurs aussi alarmistes. Qu’il nous soit permis de rassurer la Reine : ce n’est pas une émeute, Votre Majesté. C’est une récréation.

La recette du jour

Attentat à la rumeur

Votre famille entretient avec ses voisins une inimitié vieille de plusieurs générations. Finissez-en avec eux. Colportez la rumeur selon laquelle ils sont ruinés et obligés de manger des grenouilles. Que vos allégations soient fondées ou imaginaires, vous aurez leur peau. Car même les batraciens finiront par déserter.

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