La science et Calvin

La science et Calvin

Les scientifiques sont d’un grand réconfort dans les périodes de chienlit généralisée, où chacun finit par douter des capacités intellectuelles de l’espèce humaine. Dans sa dernière page mensuelle consacrée aux grand thèmes de la connaissance, Le Figaro ouvre ses colonnes à un neurobiologiste réputé, qui insiste sur les singularités du sapiens. Lequel se distingue du macaque par une différence invisible à l’œil nu : son cerveau. A la naissance, les capacités cérébrales du petit d’homme ne sont que le quart de celles dont il disposera à l’âge adulte. Tandis que le singe nouveau-né est déjà aux trois-quarts de son potentiel : voilà pourquoi les cercopithecidae n’ont pas inventé le ministère de l’Education nationale et n’ont pas à se chamailler sur la durée optimale de la semaine scolaire. Beati pauperes spiritu. Tandis que notre espèce dispose dès sa naissance d’un progiciel d’une puissance et d’une sophistication qui ridiculise tous les Microsoft et les Apple de la planète : non seulement ses connexions sont innombrables mais elles évoluent spontanément avec les nouvelles générations. Mieux encore, le bambin qui aurait négligé ses obligations d’apprentissage, au long de son interminable cursus scolaire, n’est pas irrémédiablement voué à l’analphabétisme ou au crétinisme alpin : ses petites cellules grises conservent leur capacité d’évolution toute la vie. Autant dire que grâce à la pratique constante du jogging intellectuel, n’importe quel canasson peut devenir un pur-sang de la réflexion. C’est drôlement rassurant.

Il ne faut donc pas désespérer de la situation. D’aucuns pensent en effet que les décisions des autorités du monde entier, absurdement contraires au bon sens élémentaire, s’apparentent à un authentique suicide collectif. Ce serait quand même regrettable qu’après avoir crapahuté depuis le fond des âges, inventé des outils sophistiqués comme la matraque, le débat télévisé ou le fil à couper le beurre, notre espèce s’obstine à vouloir retourner à l’état de macaque, dont le potentiel d’évolution est apparemment épuisé. C’est bien la peine de mobiliser des moyens considérables pour chercher des traces de vie dans l’immensité de l’univers, si c’est pour condamner en même temps les seules que nous connaissions. Car jusqu’à nouvel ordre, nous représentons le phénomène le plus improbable qui soit dans le chaos intergalactique, une machine à raisonner qui pourra peut-être expliquer un jour le mystère de son apparition. A moins d’être convaincus que la vie sur Terre n’est pas une exception. Comme Calvin, le mouflet turbulent de la bande dessinée Calvin and Hobbes, qui nourrit à l’égard de l’école une répulsion pathologique. Ce qui ne l’empêche pas de produire des réflexions d’une dimension aristotélicienne : « La meilleure preuve de l’existence d’êtres intelligents quelque part dans l’Univers, dit-il, c’est qu’aucun d’entre eux n’a essayé de prendre contact avec nous ». Pour avoir découvert le raisonnement par l’absurde avant sa septième année, Calvin nous réconforte tout autant sur notre avenir que les neurobiologistes patentés.

La recette du jour

Education et évolution

Vous êtes légitimement inquiet du désordre confusionnel qui altère le jugement des autorités du monde entier. Pour donner une chance de survie à l’espèce humaine, soignez l’éducation de vos mouflets afin de maximiser leur potentiel intellectuel. Interdisez-leur les sucreries et les débats télévisés. Si vous n’y parvenez pas, échangez-les contre des macaques pour vous familiariser avec la société de demain.

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