Lafite en robe chinoise

Lafite en robe chinoise

Les vins français ont incontestablement la cote en Chine. Surtout les grands crus bordelais. Et parmi eux, une star émerge : Lafite Rothschild, qui constitue la référence, tant pour les hommes d’affaires qui veulent bluffer le pékin à leur table que pour les investisseurs qui ont, jusqu’à une date récente, spéculé avec succès sur la hausse des précieux flacons. Pour preuve que les Chinois l’apprécient : ils ont acquis l’année dernière près de 700.000 bouteilles de Lafite. Ce qui fait d’eux un très gros client. Très très gros, même, vu que le château ne produit que 200.000 bouteilles par an, environ. Certes, les transactions de l’exercice ont sans doute concerné plusieurs millésimes, et pas seulement celui qui était alors mis sur le marché. Mais tout de même, les quantités échangées ne sont pas compatibles avec la production réelle.

La raison du déséquilibre est évidente : embouteiller du faux Lafite est une activité très rémunératrice. Car contrairement aux copies de l’horlogerie ou de la maroquinerie, les faux flacons se vendent au même prix que les vrais : même fortuné, le client Chinois n’a pas encore le palais suffisamment affuté pour repérer aisément la truanderie. Il n’empêche que les nouveaux riches de l’Empire du Milieu ont tellement fait monter les prix que ce vin superbe est devenu inaccessible au bourgeois français. Sauf que dès le début d’année, par le double effet de la crise et d’une multiplication excessive des étiquettes frelatées, le cours du Lafite chinois a considérablement chuté. Selon les sondages les plus récents, le 2008 serait maintenant transigé autour de 800 euros la bouteille. S’il est faux, c’est évidemment prohibitif. Pour de l’authentique, ce n’est pas donné non plus, mais le prix est nettement inférieur à la cote française. Si la crise passe un cran supplémentaire, il va bientôt devenir rentable d’aller dîner à Shanghai autour d’un Lafite 1982, par exemple. Un sommet dans l’esthétique gastronomique, pour peu que l’on ne soit pas obligé d’avaler un potage aux nids d’hirondelle.

La recette du jour

Nectar en troc

Vous regrettez l’envolée du prix des bordeaux qui a mis les grands crus hors de votre portée. Mais vous avez heureusement collectionné des étiquettes très honorables, bien que moins prestigieuses. Vous pourrez désormais les exporter avec profit en Chine et recevoir, en échange, les Lafite que vous n’aviez pu vous offrir. Et que les Pékinois ont assemblés dans leurs chais.

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